CONAKRY LE 3 JUIN 1891, Lundi

Le sous-Lieutenant de Segonzac à Monsieur le Docteur Ballay Gouverneur des Rivières du Sud et Dépendances.

Monsieur le Gouverneur.
J'ai l'honneur de vous rendre compte que j'ai terminé, le 11 Mai dernier, la mission Monsieur le Sous-Secrétaire d'Etat des Colonies nous avait confié.
Mission dont le but était de passer des traités avec les principaux villages de la Côte de Guinée entre le Lahou et le Cavally.
C'est à la suite de cette mission et pendant que nous remontions vers le Nord avec l'espoir de trouver peut-être cette fameuse route qui relierait nos possessions des Rivières du Sud à cette côte, maintenant française que mon camarade Monsieur Quiquerez est mort d'un accès de fièvre pernicieuse. Depuis, j'ai été attaqué par une nation de Pains ou Paouins peuplade cannibales qui habite le Nord de la forêt, j'ai été chaviré dans les rapides des sources de San-Pédro, j'ai perdu dix hommes, toutes mes armes et mes bagages et j'ai dû revenir, abandonnant mon projet de retour par le Nord.

Samedi Saint 28 Mars

C'est le Samedi Saint 28 Mars, que le paquebot " la Ville de Manharao " nous a déposé à Grand-Lahou.
Notre expédition se composait de dix sept hommes; un sergent indigène et cinq tirailleurs sénégalais, onze laptots, quatre ânes et environ six cents kilos de bagages répartis en vingt sacs ou caisses de trente kilos. Notre pacotille a commencé par prendre un bain complet dans la barre de Grand-Lahou où nous avons tous chaviré.
Nous avons trouvé à Lahou Messieurs Renaud et de Tavernost redescendus de Tiassalé, village situé à quatre vingts kilomètres environ sur la rivière; ils étaient revenus échouer à leur point de départ, après beaucoup de déboires, beaucoup d'ennuis suscités par un agent de la maison Verdier, et surtout parce que leur interprète avait formellement refusé de les accompagner au-delà. Puis était encore venue cette diversion de la révolte de Dabou qui avait retenu Arnaud pendant quelques jours loin du Lahou, bref, lorsque nous sommes arrivés, nous les avons trouvé très découragés et très décourageants à entendre. Nous devions tous repartir le surlendemain,

Lundi de Pâques 30 Mars

Lundi de Pâques, Arnaud sur le Lahou et nous sur la lagune qui longe la côte et va du Grand-Lahou à Fresco.
A Grand-Lahou un peu avant notre arrivée était débarqué une mission commerciale de trois jeunes gens, représentants d'une compagnie en voie de formation, qui devait se nommer " Compagnie de l'Ouest Africain" .
De ces trois jeunes gens, deux, MM. Voituret et Papillon avaient d'abord remonté l'Yocoboué très petit affluent de la lagune à l'Ouest de Grand-Lahou et s'étaient rabattus sur le Lahou, refaisant l'itinéraire d'Arnaud et Tavernost le troisième Monsieur Palasot était resté à Grand-Lahou avec le gros de la pacotille
.

Dimanche six, jour de Pâques ???

Le Dimanche six jour de Pâques, pendant que nous dînions, arrive un boy, très effaré, racontant que MM. Voituret et Papillon ont été assassinés, coupés en morceaux et mangés au village de Tiassalé.
je n'insisterai pas sur ce triste incident dont, mieux que moi, M. le Gouverneur, vous avez su tous les détails.
Notre départ s'est trouvé de ce fait retardé jusqu'au 4 Avril.
Il a fallu que MM. Arnaud et Quiquerez s'en aillent jusqu'à Grand-Bassam rendre compte à Monsieur le Résident Desaille et prendre des instructions. Nous avons mis ce temps à profit de Tavernost et moi pour remonter le Lahou avec le vapeur de la maison Verdier. Les renseignements que nous avons recueillis n'ont fait que confirmer les lugubres nouvelles que nous avions déjà
.

3 Avril

Enfin le 3 Avril au soir Quiquerez est revenu rapportant l'ordre de M. Desaille de ne pas nous mêler de cette affaire et le 4, nous avons quitté Grand-Lahou sans regrets.

4 Avril

C'est encore le vapeur de la maison Verdier prêté d'assez mauvaises grâce par M. David, l'agent de cette maison, qui a remorqué notre personnel et notre matériel jusqu'à petit Lahou.
La lagune suit la côte d'une dizaine de kilomètres seulement et dans une direction, à peu près parallèle. Elle est alimenté par le Lahou que se bancs de sable coupent de la mer à marée basse; par Yocoboué, une petite rivière dont le cours a dû être relevé depuis mon passage par M. Arago, et par la rivière Koboa, que les noirs mon dit être très peu importante. Cette lagune a peu de profondeur, dans la saison sèche, j'ignore ce qu'elle devient au temps des pluies, mais elle a partout une largeur considérable qui varie entre cinq kilomètres et trois cents mètres.
A l'embouchure de cette rivière Koboa elle forme une véritable mer intérieure, c'est un lac circulaire de cinq à six kilomètres de diamètre.
L'eau de la lagune est douce jusque vers ce point de largeur maxima, à partir de là elle devient de plus en plus saumâtre.
A Petit-Lahou elle n'est plus buvable.
A cinq heures et demie le vapeur nous débarquait à Petit-Lahou. Là, la lagune fait un coude au Sud descend droit sur la mer et n'a plus que quelques centimètres de profondeur, tout en conservant trois cents mètres de large.
Petit-Lahou est un ensemble de deux villages. L'un petit peu important encore, s'est formé par agglomération autour d'une factorerie anglaise. Les Anglais chassés de Grand-Lahou par l'établissement de notre poste de douane ont porté là, à quelques pas plus loin, leur débouché commercial. J'ignore l'importance de leur factorerie, c'est une succursale de la maison King qui occupe la côte de Grand-Bassam à Drewin. Quand nous sommes passés il y avait quatre voiliers à l'ancre devant le village. L'autre Petit-Lahou, est au delà de la lagune, c'est un gros bourg construit sur un promontoire de la lagune, à cases très irrégulièrement plantées, peuplé de trafiquants Anglais, riche en huile et en vin de palme et fort peu soucieux d'accroître son commerce en vendant ses produits à une autre Nation.
Les cadeaux dont nous avons comblé le roi Gras et surtout deux dames jeanne de Rhum ont notablement modifié la manière de voir des habitants, et le lendemain matin, nous avons pu signer un traité où le roi s'engageait - nous a-t-il dit- pour les deux villages.
De la nous sommes partis en pirogue avec vingt hommes de Petit-Lahou pour Frecso. Au dire des noirs, il y a une demie journée de pirogue et de marche pour gagner Fresco. Dans la réalité nous sommes partis à 9 heures du matin et arrivés sans nous être arrêtés un seul instant, à sept heures et demie du soir.
La lagune fait à Petit-Lahou un coude à angle droit vers le Sud, puis après trois kilomètres dans cette direction, elle s'étrangle passe d'une largeur de trois cents mètres à trois mètres de large et devient à peu près infranchissable pour de grosses pirogues chargées de bagages. nous avons dû atterrir, en un point de rive que nos porteurs appellent " SAVATON ", ce sont deux cases à cheval entre la lagune et la mer qui en cet endroit sont séparés par une bande de terre de cinq cents mètres de large.
A Savaton nous avons chargé nos ânes et nos porteurs et commencer cette marche dans le sable qui devait durer un mois. La lagune, après le défilé critique, reprend une largeur d'une dizaine de mètres et continue de longer la mer. Faute de pirogue nous n'avons pas pu en user.
Vers six heures un groupe d'habitants de Fresco prévenus, je ne sais comment, de notre venue, est arrivé à notre rencontre. Il nous ont séparé de nos bagages et de nos hommes, que des pirogues ont emmené directement à Fresco et nous ont entraîné au village de Guiblinda, boire le vin de palme du roi Niéba. C'est un roi débonnaire, d'une cordialité un peu banale, chef d'un village peu important et pas du tout commerçant, qui ne nous a pas paru valoir un traité.
A sept heures et demie nous étions à Fresco. A la lueur des branches de cocotiers trempées dans l'huile, on nous a fait une véritable ovation, qui a duré jusque vers onze heures. Fresco a un traité avec la France qui date du 31 Août 1890. Il est signé entre M. Péan Administrateur à Dabou et le roi Yéré. Nous nous y engageons à verser une rente de cinquante francs par mois à Yéré et une autre au chef Godo.
Le chef Godo vaut une mention. C'est notre interprète à Grand-Lahou, notre défenseur dans les discussions qui s'élèvent avec les noirs; c'est un auxiliaire dévoué de nos intérêts. Il a toute une famille à Fresco, un frère Nieré; trois fils; Gras, Nouveau Godo et Petit Godo; toute cette famille parle français.
C'est chez eux que nous avons été reçus et qui après nous a logé la mission Arago. Le reste du village n'a guère de convictions et le roi en tête, malgré sa rente, ils arborent le pavillon anglais dés qu'un bâtiment anglais est en vue, tout en jurant, par derrière, qu'ils sont Français de coeur.
Le patriotisme après l'intérêt. Il n'y a guère que Godo qui affiche ses convictions. A part ces qualités, les Godos sont comme tous les noirs de cette côte, la plus odieuse race de quémandeurs , de mendiants, de voleurs; têtus dans leurs exigences absurdes, ne sachant que demander en échange de rien, voulant même nous faire payer l'eau de la lagune.
Nous avons passé quatre jours à Fresco. D'abord cette marche forcée avait fatigué nos hommes outre mesure et puis nous ne voulions pas passer devant cette rivière Fresco portée sur toute les cartes sans la remonter pendant quelques lieues, nous assurer de son importante et en rapporter un croquis.

7 Avril

Le 7 au matin, nous avons offert un déjeuner au roi Yéré et à la famille Godo; nos conserves les ont un peu surpris et je n'oserai pas affirmer qu'ils aient apprécié notre invraisemblable menu de foi gras, de sauce tomate et riz au sucre dont ils faisaient un heureux et général mélange. Le déjeuner fini et cette petite fête gastronomique a duré de midi à trois heures nous avons entamé un grand palabre pour avoir des pirogues et remonter le Fresco; Yéré dont le rhum et le vin de palme avaient réchauffé le patriotisme nous promet dix pirogues. Le lendemain avec deux pirogues recrutées à grand peine et a des prix exorbitants,

8 Avril

nous sommes partis à 8 heures du matin pour remonter le Rio Fresco. Et pendant deux jours, le 8 et le 9 avril, j'ai passé mon temps à aller me heurter au fond de tous les méandres de la lagune à scruter toutes les anses, croyant toujours trouver cette fameuse rivière.
La rivière Fresco n'existe pas. Il est vrai que de la mer tout fait croire à son existence.
D'abord cette communication qui existe à l'Est du village entre la lagune et la mer et qui fait d'autant mieux croire à l'embouchure d'une rivière qu'en ce point la barre est exceptionnellement forte. Puis la lagune qui s'enfonce droit dans les terres pour aller former une sorte de mer intérieure au fond de laquelle est le gros village de Zacaraco. Tout cela explique l'erreur des géographes. C'est recherches m'ont amené à la découverte de ce village de Zacaraco dont le roi Goddi s'est montré très accueillant pour nous et a trouvé un ruisseau sans importance le Danon.
Un très gros obstacle à notre marche au delà est la guerre qui depuis deux ans règne entre Fresco et Kotrou. Impossible d'avoir un porteur ni même un guide et justement la côte de sable finit à quelques centaines de mètres à l'Ouest du village et la falaise de grès rouge tombe à pic sur la mer, sans laisser la place d'un passage. Il faut nécessairement faire un crochet par la brousse et aller reprendre la côte à une douzaine de kilomètres de là, où la marche au bord de l'eau redevient possible.
Pour tourner la difficulté des porteurs, nous partons le dix Avril laissant tout ce que nos ânes ne peuvent pas porter; c'est à dire les trois quarts de nos bagages - chez Godo, à la garde d'un de nos sénégalais qui lit un peu l'arabe. Les hommes de Fresco se sont décidés à nous accompagner dans la brousse; ils sont une vingtaine armés jusqu'aux dents avec d'invraisemblables fusils capables de faire honneur aux musées les plus complets.
Après cinq heures de débroussaillage, nous retrouvons la plage.. Les guerriers de Fresco, nous réclament un dollar par tête probablement pour les cris qu'ils ont poussé tout le temps; nous nous en tirons avec quelques tête de tabac et ils s'en vont tout fier de leur expédition militaire en pays ennemis.
Nos hommes sont éreintés, nous couchons là. A côté des débris d'un voilier échoué sur ce point de la côte il y a huit ans.

9 Avril

Le lendemain à 9 heures nous arrivons à Kootrou. Kootrou a appris que nous venions avec des fusils et des guerriers de Fresco et, de loin, derrière une superbe barricade en planches de tonneaux et en sable, nous apercevons un fourmillement de noirs et les éclairs du soleil sur les longues pétoires à pierre. Paul et moi nous avançons seuls et tout de suite on s'explique en Anglais on rentre les fusils et on apporte le vin de palme de la conciliation.
Kootrou se compose de trois villages. Le premier borde un assez grand marigot, le deuxième s'est groupé autour d'une factorerie anglaise de la maison King et le troisième est celui qui habite le roi et sa famille.
Le roi Koffé parle bien l'anglais et chose très rare il a de l'autorité sur ses sujets. Il nous reçoit très bien, s'informe du but de notre mission et nous déclare qu'il n'aime pas l'Angleterre et serait heureux de voir une maison Française s'installer dans son village.

Le lendemain 13 Avril ???

  • -*Le lendemain 13 Avril nous signons un traité avec Coffé-- et à midi nous reprenons notre route.

La côte devient absolument uniforme. Depuis la falaise de granit rouge de Fresco c'est un succession de petites criques de sables encadrées par deux pointes de rochers. Quand la falaise s'écarte assez de la côte, il se produit des infiltration d'eau de mer et le fond de l'anse est une lagune et presque toujours, au bord de la lagune se bâtit un hameau.
Dans la soirée du 13 Avril, nous sommes passés aux hameaux de Quonassia ( Quouassia )_, de Maibo et de Cormené__. Nous avons couché à quelques kilomètres à l'Ouest de Cormené et

* en marge: Traité avec Kotrou 13 Avril 1891

14 Avril

sommes arrivés le 14 à 10 heures du matin, au premier village de Trepon. Trepon ( Trepow) se compose de trois villages qui chacun ont un roi. Le premier village s'appelle Trepow focco du nom de son roi. Ce Focco est un vieillard aveugle, qui parle un peu Français et est animé des meilleurs sentiments pour la France. Son village est très riche, on y cultive le riz; c'est le premier point de la côte où nous trouvons des rizières. --Focco traite avec nous.--

18 Avril ???

Le 18 nous passons aux deux autres villages, Trepow Lewis qui signe un traité et Trepow Amery. Le roi Amery est dans la brousse pour plusieurs jours, en son absence, aucun chef ne veut s'engager pour lui et nous sommes obligés de partir le soir sans traité. Nous en sommes pour nos frais et nos cadeaux.
De plus en plus les roches de la côtes deviennent infranchissables. A chaque pointe maintenant nous sommes obligés de décharger nos ânes, de passer leur bagage à dos d'hommes et de porter presque nos ânes, eux-mêmes à bras au-delà de l'obstacle.
A Trepow Amery, nous décidons les habitants, à nous donner quatre pirogues pour aller jusqu'à Sassandré. On abat les ânes et on les met en pirogue avec leur charge et à grand peine nous décidons des pagayeurs à transporter ce singulier chargement.

16 Avril ???

Le 16 Avril arrivé à Sassandré. Sassandré est un gros village planté sur la rive droite de la rivière Sassandré.
Le roi Ruggery nous reçoit plus que froidement, il nous demande ce que nous venons faire dans son village et quand nous lui parlons d'acheter des vivres pour nos hommes et d'emprunter des pirogues pour remonter la rivière le lendemain matin, il nous répond par un refus formel.
C'est le moment d'appeler à notre secours ce fameux Zacci qui parait-il est l'interprète des Français sur ce point de Côte..... Il faut 12 heures de pirogues pour aller à Drewin et revenir. Nous partons de nuit pour gagner du temps et le lendemain matin nous arrivons à Grand Drewin.
En débarquant au village de Bassa, nous sommes reçus par quatre ou cinq coup de fusil. Nous envoyons notre boy expliquer que nous sommes sans armes et l'affaire se termine par un palabre. Zacci nous conseille de ne pas rester à Sassandré de revenir de suite à Drewin et nous donne son fils Zacraco pour nous ramener.
A Sassandré nous retrouvons nos hommes très montés contre les habitants, qui les laissent mourir de faim
.

19 Avril ??

Le 19 nous partons pour Drewin.
La côte de Sassandré à Grand Drewin est couverte de villages. Chaque crique a sa lagune et son Hameau et la route au lieu de suivre le bord de la mer monte et descend le long de la crête de la falaise. Dans la journée du Dimanche 19 Avril nous sommes passés à Tadifou, Batébré, Bodiégo, boulako, Kouménan Town, Bassa au dessus duquel est la première des factoreries de " The Aombas bay Trading Cie", Datiko ou est construite la dernière factorerie Ouest de la Maison King et enfin Gouadé qui est le village d'Akla roi de Grand Drewin et de Zacci.
Nous nous sommes trouvés là, de suite, en pays amis. Ce zacci est un vieillard profondément dévoué à nos intérêts qui nous a reçu chez lui, nous a aidé en mille circonstances a converti le roi d'Akla à notre cause et comme vous en avez pu vous en assurer - Monsieur le Gouverneur - a beaucoup aidé à la signature des trois traités faits à bord du Brandon et cela dans des circonstances un peu difficiles pour lui.
Le soir nous avons envoyé Zacraco, le fils de Zacci avec le sergent Gallo Djallo et quatre pirogues pour ramener nos bagages resté à Fresco.. Il était temps que cette occasion se présente du 4 au 19 Avril le peu de pacotille que nous avions était presque épuisé.

21 Avril

C'est le 21 Avril que le Brandon est venu mouiller dans la rade de Grand Drewin. Je passe les faits écoulés du 21 au 23. Je nomme pour mémoire seulement, les trois traité signés avec Akla roi de Goudé, avec Kagé, roi de Dateko et avec Ruggery, roi de Sassandré, octroyant à chacun un royal présent de rhum et de tabac

23 Avril

Le 23 Avril au matin arrive nos bagages, tout a chaviré dans la barre de Fresco et deux pirogues sur quatre chavirent encore dans la barre de de Drewin.
Les journée du 23 et du 24 se passent à déballer notre pacotille , à sécher nos étoffes au soleil, et dérouiller tout ce qui est en fer ou acier. Nous perdons plus d'un quart de notre marchandise dans ces deux naufrages

24 Avril

Le 24 un porteur nous viens de Fresco avec une lette d'e Monsieur Arago. Il nous raconte ses tentatives infructueuses pour percer vers le Nord et marcher sur Sassandré, assez décourageant

25 Avril

Le 25 nous partons par une pluie battante, avec 21 femmes comme porteurs. Sur toute la côte ce sont les femmes qui font les gros ouvrages, leur condition est l'esclavage complet, elle font l'objet d'un véritable trafic, pour trois barils de poudre et un ou deux fusils on achète une femme et la richesse d'un chef s'estime au nombre de femmes qu'il possède.
Nous passons sans nous arrêter au très petit village de de Half Drewin et vers midi nous faisons halte entre Petit Drawin et le hameau d'Ayotown, faute de pouvoir faire repartir nos vingt et une femme qui se sont assises sur leur ballot et nous déclarent que par cette pluie elle n'iront pas plus loin.
Le roi de Petit Drewin vient à notre camp avec des mouton, des poules, des oeufs, tout de suite nous sommes les meilleurs amis du monde --et le traité se signe sans l'ombre d'une objection-
-.

*25 Avril ??

Le 25 Avril nous embarquons nos *ânes?? en pirogues; c'est décidément un moyen de transport peu pratique que l'âne sur la côte de Guinée! Avec *22 femmes nous partons pour Roctown.
Avant d'arriver à Roctown on traverse une toute petite rivière, la rivière Didamine que les noirs prétendre pouvoirremonter en pirogue pendant trois jours. A en juger par son embouchure c'est un simple ruisseau.
Roctown est un gros village où nous nous arrêtons quelques heures seulement, le temps de déjeuner, d'avoir avec le roi un palabre qui se termine par la signature d'un traité, d'embarquer nos ânes en pirogues et de trouver une vingtaine de femmes pour porter nos bagages jusqu'à Victory.
Victory ou nous arrivons de nuit est un ensemble de cinq villages. Les deux premiers Tapia et Victoryforment un premier groupe; les trois autres Bokiou, Douaoulé, et Deza, constituent la rade de Grand Victory. Le roi de Victory dans le village duquel nous sommes arrêter vient de lui même nous demander un traité. Il a sans doute appris que cet échange de papiers est accompagné de présents.
Victory est encadré entre deux gros ruisseauxKogouKougou qui le sépare de *Tafia et Ilolé qui barre la route de Grand Victory.

*En marge Roctown 26 Avril
* Les ânes ont été abattus le 18 Avril ????
*C'était 21 femmes dans le précédent paragraphe
*Plus haut Tapia ?

* 27 Avril

A Grand Victory dont le roi habite le dernier village, Deza, les chefs nous ont déclaré qu'ils ne voulaient traiter, qu'ils étaient Anglais faisaient du commerce avec l'Angleterre seulement et n'avaient que faire de notre papier. Très penauds de ce premier échec dans un village de cette importance nous sommes revenus à Victory, décidés à repartir le plus tôt possible pour *Sassandra, quand le lendemain matin, arrivent le roi de Gd Victory et les chefs de Bokiou et Douaoulé, nous demandant tous à traiter avec la France. Quel revirement s'est opéré dans l'esprit de ces gens là, à la suite de quel palabre ont-ils pu changer si complètement d'idées; nous n'avons pu nous l'expliquer; toujours est-il qu'il a fallu séance tenante rédiger deux traités, faire des présents, distribuer des pavillons et que notre départ a été retardé de trois grandes heures.
Ces villages de Victory sont très riches on y trouve tous les raffinements de notre civilisation. Ils commercent peu. Les hommes se louent comme Kroumans à bord des bateaux anglais qui font le service de la Côte.
Beaucoup ont été employés au Gabon où dans les colonies de la côte; de ce contact perpétuel avec les blancs, ils ont tous rapporté avec un canaillerie et une filouterie encore supérieures à celles des autres noirs, les défroques les plus extravagantes comme vètements et comme meubles.
Le roi était affublé lors de la signature de son traité d'un uniforme d'officier Turc, il avait sur le dos un torniflord Tornister ? un ( sac d'infanterie prussienne ) et sur la tête un melon surmonté d'un invraisemblable chapeau haute forme.

* En marge Victory 27 Avril
* Tout ce paragraphe est barré
* Sassandra Barré, San-Pédro écrit au-dessus

29 Avril

Le 29 Avril vers midi nous arrivons à San Pédro.
Comme village San- Pédro existe à peine, il y a seulement sur la rive droite du fleuve deux petits hameaux que gouverne un roi sans autorité. Sur la rive gauche s'élève une factorerie Anglaise de the Ambas bay trading Cie fondée il y a six mois environ mais seulement et à peine achevée.
Notre intention était de profiter de l'obligeance du directeur de la factorerie pour lui laisser nos bagages et de faire en dix jours la côte du San Pédro au Cavally aller et retour. Les deux raisons qui nous faisaient adopter ce projet était la cherté exorbitante des porteurs qui finissaient par nous demander deux dollars par étape et aussi la conviction que nous avions acquise après des milliers de renseignements recueillis un peu partout sur la côte, que la plus grande, la plus longue rivière, était le San Pédro et que c'était par là que nous avions le le plus de chance de percer la forêt.

30 Avril

Le 30 Avril j'ai été pris d'un accès de dysenterie tellement violent, qu'il m'a été impossible de partir le 1er Mai avec Quiquerez

5 Mai

et ce n'est que le 5 Mai que j'ai pu rattraper, en pirogue, notre expédition qui était déjà à Half Bereby chez le roi Many.
A partir de ce point je n'ai plus ici, aucun documents ni géographique ni historique sur notre expédition.
Nous avons trouvé au retour au village de Tahou, un directeur de factorerie Mr Jemiot Juniot qui nous a fait profiter du départ de son courrier pour envoyer tous nos documents en France et ce n'est qu'à mon arrivée à Paris que je pourrais vous remettre Monsieur le Gouverneur la carte de ce pays et le récit de nos opérations.
Les seuls souvenirs que j'ai sont les noms des villages qui ont traité avec nous: Tahou, Wapoo, Cavally rive droite et Cavally rive gauche.
De là voyant la bonne volonté des Libériens de la côte nous avons entrepris de remonter le Cavally. En attendant la carte de ce fleuve, je puis citer le noms des villages qui sont sur les rives, ce sont: Kabraké, Blioulo, Oudeka; Djimmalow (2 villages) Niado ( 2 villages) Tébélido (2 vil) Idieu ( 2 vill.) gédetob ( groupe de cinq villages) Borralo (4 villages), Nimouno (3 villages et une mission noire) Jelaoulobo (3 villages) Yoblaka, Touso (2 vill.), Yooka (une mission noire Libérienne), Gratoka (une mission noire), Tadika, Didelep (2 villa.)
Bouillado ( une mission blanche), Galabo, Baoulou, Oualo, Kabo, puis la rivière devient ruisseau et les villages s'espacent dans la brousse, très rare et sans nom.

Un renseignement intéressant que j'ai encore sur cette côte ce sont les noms des factoreries Anglaises de San Pédro à Cavally. De l'Ouest à l'Est la, Ambas Bay Trading Cie possède : un comptoir à Cavally ( MM Laurence et Wood ) un à Basha tenu par un noir, un à Wapoo, tenu, de même, par un noir, un à San Pédro ( Mr Hadley) et le dernier comptoir Est de la Compagnie et à Drewin ( MM Wiliamson et Hearley ). De plus à Tahou s'élève une très florissante factorerie particulière, celle de M. Juniot et pour terminer l'énumération des comptoirs Anglais que nous avons rencontrés sur notre route la Maison King a une factorerie à Drewin, une autre à Kotrou et une autre à Petit-Lahou
.

10 Mai

Le dix Mai, après trois jours de marche forcée nous rentrions à SanPédro. En passant nous avions acheté au roi Many une superbe pirogue de onze mètres de long qu'il nous avait cédé pour un bagatelle de deux cents dollars.

11 Mai

Le onze au matin, avec une équipe de sept Kroumans, nous remontions le San Pedro. Nous avions encore laissé à la factorerie, nos ânes et la majeur partie de nos bagages, comptant inspecter un peu le cours de la rivière avant de nous lancer sur cette voie.
A la saison des pluie et depuis le 1er Mai il n'avait pas cessé de pleuvoir, le San Pedro est un rivière d'un débit d'eau considérable. A dix kilomètres en mer, le courant rejeté par le mole qui barre l'entrée, se fait sentir et porte les pirogues sans un coup de pagaie, à Victory
a largeur moyenne de la rivière est de cinquante à quatre vingt mètres la profondeur est des trois à six mètres.
Je ne ferai pas, si vous le permettez, Monsieur le Gouverneur, le récit très monotone de ce voyage en pirogue. L'inspection de la carte que je joint à ce rapport vous dira que la rivière est très tortueuse. Les village qu'on y rencontre sont peu important, ce sont dans l'ordre, du Sud au Nord: Bloo, hameau qui cultive le riz, Dogoué, Dodpornous avons déjeuné le 11 Mai, Emkis petit village, Gouédécomposé de quelques cases, Gabo village plus important, Grenkodé ? et Gouadédeux hameaux, Koutou qui est en pleine guerre avec Gabo et Plaoulou village un peu plus considérable.
Comme production ces villages sont très riches. Ils traitent avec les factoreries de la côte auxquelles ils envoient de l'huile, du riz, du manioc, des patates, du maïs, des noix de colas, des citrons, des peaux de singe et des défenses d'éléphants. Ils accueillent les blancs avec méfiance, le fusil à la main, sont peu serviables et sans aucun prétexte ne consentiraient à remonter aux Nord dans la crainte des Païns ou Paouins, peuplade cannibale qui habite les sources du San Pedro.
A Plaoulou, la rivière augmentant toujours de volume et de courant nous décidons d'aller rechercher nos bagages à San Pedro et d'essayer de passer par ce San Pedro. Les habitants nous disent qu'au Nord chez les Païns, se trouve une grande lagune qui alimente la rivière et d'ou descendent sans doute le Cavally, qui se jette à l'Est et le Sassandré qui monte vers l'Ouest. Au delà de la lagune, toujours d'après les renseignements des noirs, s'élève une chaîne de hauteurs qui court de l'Ouest à l'Est et enfin de la chaîne de montagnes descend une rivière qui tout de suite est navigable et assez large et que nous croyons être la Bagoé
.

15 Mai

Le 15 Mai Quiquerez repart avec quatre de nos hommes et sept boys pour San Pedro. Pendant ce temps, je dois remonter le plus haut possible et m'arrêter, pour attendre la pirogue au point où la rivière cessera d'être navigable.
Pendant mon séjour à Plaoulou j'ai pu faire une mise au net de la rivière jusqu'à ce village cette mise au net qui était dans ma caisse a été sauvé avec mes autres papiers, le reste du cours du San Pedro que j'avais seulement jour par jour sur mon cahier de croquis a été perdu. C'est ce qui vous explique Monsieur le Gouverneur, le brusque arrêt de ma carte à Plaoulou et le vague de mes renseignements géographiques à partir de là.

15 Mai

Le 15 je commence mon voyage de découverte avec quatre *Kroumans et le reste de nos hommes. Nous sommes en quatre pirogues et par une pluie torrentielle nous pagayons toutes la journée. J'ai vu un petit village Every mes Krowmens m'annoncent que j'en verrai encore un demain soir et que ce sera finit les habitations sur la rivière; après nous serons chez les Païns. Nous couchons dans la brousse et dans l'eau.

*

16 Mai

Le 16 nous pagayons encore tout le jour sans découvrir le village annoncé. Il pleut toujours à torrent. Les Krowmen commencent à manifester un vif désir de revenir chez eux. Le soir nous sommes arrêter par une énorme chute d'eau d'environ deux mètres cinquante à trois mètres de haut.
Evidemment ce sera le terme du voyage pour notre fameuse pirogue. Mais que deviendrons nos bagages? pas un village, pas un porteur! Nos provisions s'épuisent, demain nous n'aurons plus de riz
.

17 et 18 Mai

Le 17 et 18 Mai sous marchons dans la brousse. J'ai laissé quatre hommes à la chute d'eau pour prévenir Quiquerez que je continue ma route, j'ai renvoyé trois Krowmen avec les pirogues et nous cheminons pendant deux jours, dans une espèce de sentier inondé où nous avons parfois de l'eau jusqu'à la ceinture et toujours la pluie battante. Mes hommes ont trouvé une espèce de palmier dont la moelle se mange, ils appellent cela des coeurs de bambous et nous vivons de cela. Il paraît qu'en salade c'est parfait; assaisonné à l'eau de pluie c'est affreusement fade et peu nourrissant. --Faute de mieux--.

19 Mai

Le 19 le sentier se perd, quitte la rivière et devient impraticable. Décidément la route est impossible. J'estime que Quiquerez doit-être à la chute d'eau.

21 Mai ??

Le 21 nous revenons. Retour monotone, pluvieux, découragé. mes hommes grelottes de fièvres, leur moral s'en va.

20 Mai ??

Le 20 vers cinq heures du soir, un des tirailleur que j'ai laissé au début du sentier, arrive en courant tout affolé, me dire que Quiquerez est attaqué sur la rivière et ne peut débarquer. Toute la nuit nous courons et le 21 à 9 heures du matin, j'arrive à la chute d'eau.
Effectivement Quiquerez a été attaqué. De loin, sur la rive, qui en ce point surplombe de quatre mètres le cours de la rivière, il y a une centainedizaine d'hommes, absolument nus: peints pour la plupart, en vert ou en jaune armés de fusils à pierre dont le bois est teint en rouge. Ces hommes ont commencé par gesticuler, par crier puis se mis à tirer sur la pirogue. Personne n'a été blessé. Les Sénégalais qui dans ce cas perdent complètement la tête ont sauté sur leurs fusils et ouvert un feu d'enfer sur cette rive et mon camarade me raconte qu'il avait été obligé de rouer les hommes de coups de pagaie pour faire cesser le feu. Dés les premiers coups de fusils les sauvages avaient disparu. Ils ont les trois cicatrices verticales qui sont le signe distinctif de la race Bambara, mais ceux de nos hommes qui parle le Bambara - et nous avons dans nos laptots un captif Bambara - n'ont rien compris à leurs cris.

21 Mai ??

Toute la journée du 21 se passe à battre la forêt pour tacher de trouver une trace, un village, rien! Impossible de savoir d'où sortent ces hommes; à deux jours avant et à quatre jours plus loin, il n'y a pas une hutte.. Nos quatre Krowmen et nos deux boys voudraient bien s'en aller, n'était la terreur de partir seuls et sans pirogue par la brousse, ils nous auraient déjà quitté. Il pleut toujours, la rivière monte encore...
Quiquerez a des accès de fièvres terribles tous nos hommes sont malades, nous sommes là; butté sur cette chute sans aucun moyen d'aller plus loin

22 Mai

Le 22 nous décidons qu'avant de revenir nous tenterons l'impossible nous marcherons huit jours encore, c'est à peu près ce que peuvent nous fournir nos conserves. ET puisque nous n'avons pas de porteurs, que la rivière, en amont de cette chute, semble devoir être navigable quelques temps, nous porterons la pirogue à bras au dessus du rapide.
Toute la journée se passe à frayer un chemin dans la brousse et a décharger et à recharger nos bagages.
Nous embarquons, les quatre Krowmen, les deux boys et deux sénégalais sont aux pagaies.
Tout a coup, nous avions fait vingt mètres à peine, s'élèvent sur la rive gauche des cris épouvantables, nous ne voyons encore personne, mais une fusillade très nourrie part de la brousse. Un des boys reçois un paquet de mitraille qui lui fracasse l'épaule gauche. En une seconde c'est une panique complète, les quatre krowmen sautent à l'eau et gagnent la rive droite ils y sont reçus à bout portant par une dizaine de coups de feu de noirs que nous n'avions pas vus.
Le boy qui gouvernait à l'arrière tombe à l'eau atteint je ne sait où, un laptot sénégalais est tué.
Tirailleurs et laptots ont sauté sur leur armes, impossible de faire reprendre les pagaies par personne; la pirogue dérive, tournoie sur elle même un choc se produit et, au milieu des cries, des coups de fusils, nous tombons, vingt cinq hommes et quatre cents kilos de bagages, d'une hauteur de trois mètres.
Quand je suis revenu à moi, il faisait presque nuit, je me suis trouvé couché sur un sac de tabac avec à côté de moi mon panier contenant nos papiers (???) et mon ordonnance.
J'avais le bras gauche cassé, un peu au-dessus du poignet et le pied droit foulé. Sur la rive en face la pirogue était échoué et le reste de nos hommes assis, l'ai épuisés, autour de Quiquerez qui pleurait comme un enfant. Et toujours cette terrible pluie qui tombait à torrent.
Tout est perdu. Nous n'avons plus, ni un fusil, ni un vêtement , ni rien, rien qu'un sac de tabac, un --sac- ballot d'étoffe et un panier. Porté par mon ordonnance je repasse sur la rive opposée et nous nous installons là, autour de la pirogue, pour passer la nuit. Vers deux heures je suis réveillé par Quiquerez, pris d'un épouvantable accès de fièvre intense.
Nous le couchons de force, je le fais masser par trois hommes pour tacher de le réchauffer. Pas une couverture pour l'abriter de la pluie, impossible de faire du feu pas de quinine et ce malheureux rallant d'un accès de fièvre pernicieuse. A onze heure et demie, il a perdu connaissance, très doucement, sans souffrances; à minuit, il était mort.
Nous l'avons enterré là, dans le sable de la rive, il repose dans ce coin d'Afrique, au milieu de cette brousse ingrate où sont venues échouer toutes nos espérances.
Le lendemain à l'aube......

23 Mai

... j'ai rembarqué ce qui me restait d'hommes je leur ai fait comprendre que sans armes, sans ressources, avec cette menace des Païns qui pourraient nous suivre, la mauvaise volonté et la défiance des gens du fleuve, notre seule chance de salut était de descendre d'une traite à San Pedro, sans nous arrêter autre part que dans la brousse pour couper des coeurs de bambous.
Nous sommes partis pagayant avec des planches (??) et des branches d'arbre. Dans la violence du courant à chaque coude de la rivière, nous allions sur le bord opposé, dans les ronces. Le Samedi 23 Maià 8 heures du soir nous étions à San Pedro. Jamais, je crois, terre promise n'a été touché avec tant de joie que le sol de cette factorerie Anglaise Monsieur Hadley de suite, a fait faire des grands feux pour sécher les hommes, en quelques minutes ils ont eu du rhum, du manioc, un mouton, bref il a été d'une obligeance parfaite.

Dimanche 24 Mai

Le Dimanche 24 Mai s'est passé dans un repos complet et nous en avions besoin.

25 Mai

Le 25, il fallait prendre une décision. Monsieur Hadley m'offre de me recheter mes fameux ânes, resté là, abandonnés par Quiquerez à leur malheureux sort. Il ne m'en offre pas bien cher; 100 schellings et 100 têtes de tabac. Mais pour nous c'est énorme, c'est l'indépendance, le moyen de vivre pendant 8 jours et de regagner Grand Bassam.
Mon projet était de réparer la pirogue d'y mettre deux voiles et avec le vent et le courant d'aller de San Pedro à Drewin en un jour, de coucher chez notre ami Zacci, d'aller de Drewin à Fresco en couchant chez Godo et de Fresco de gagner Gd Lahou d'ou un service de vapeurs nous aurait amené à Grand Bassam. Outre ce plan, j'avais un peu l'espoir qu'en mer nous rencontrerions peut-être un steamer qui nous recueillerai et nous jetterait, soit à Grand-Bassam, soit à Sierra Leone.

26 Mai

Toute la journée du 25 et celle du 26 se passent à réparer notre pirogue. Faute d'autre étoffes, je lui ai fait mette deux grandes voiles, l'une en soie jaune, l'autre en soie rayée rouge et blanc avec des tons fondus produit par l'immersion, de l'effet le plus extraordinaire.

27 Mai

Le 27, à six heures du matin, nous partons. Il y a un Dieu pour les imprudents, nous franchissons la barre ( assez calme) ce jour là, sans encombres. Le vent est bon, nous filons assez vite. Quand de loin nous apercevons un paquebot anglais qui se dirige droit sur nous. Pendant une heure nous n'avons plus vécu, tant nous étions émus anxieux de savoir si nous pourrions par nos signaux arrêter ce steamer et obtenir qu'il nous repêcha.
Stupéfait de ce singulier gréement, ne sachant que penser de ces gens qui poussaient des hurlements, en agitant des pièces de tarlatanes et de velours et qui lui barraient la route au risque de ce faire briser, le capitaine de l'Oil River fait stopper. On me jette une corde après laquelle je grimpe, avec un seul bras.
J'explique notre triste histoire au capitaine, moitié en Anglais, moitié en Français et dix minutes plus tard nous étions tous sur le pont du steamer, avec notre pirogue dont j'avais fait cadeau au capitaine
.

Dimanche 31 Mai

Le Dimanche 31 Mai nous étions à Sierra Leone ou j'ai quitté l'Oil River, qui se dirigeait vers Liverpool...

2 Juin

et le 2 juin un petit voilier nous déposait à Konakry.

FIN DU COMPTE RENDU

Tels sont, Monsieur le Gouverneur, les détails de nos deux missionsexpéditions, dont j'avais à vous rendre compte.
Le premier a réussi au delà de nos espérances et tout le mérite en revient à mon malheureux camarade Quiquerez, le chef de notre petite expédition, dans la seconde nous nous sommes heurtés à l'impossible, nous avons payé bien cher d'avoir voulu passer quand même. Je garde l'espoir qu'un jour peut-être me ramènera à la côte d'Afrique et que par une autre voie, j'arriverai à percer cette mystérieuse et ingrate forêt.

COPIE DE LA LETTRE MANUSCRITE DE MONSIEUR DE SEGONZAC