EXPLORATION SUR LA CÔTE D'IVOIRE DU LAHOU AU CAVALLY

Mardi, 3 Mars 1891

Départ du Cercle Militaire. Direction Gare d'Orléans - par le train de 8H15

Mercredi, 4 Mars 1891

Arrivée à Bordeaux à 7H19 du matin

Mercredi, 4 Mars1891

Arrivée à Bordeaux à 7H19 du matin.
Je fais les démarches nécessaires à la Compagnie des Messageries Maritime pour assurer notre embarquement.
Déjeuner à l'Hôtel de Bayonne.
Je fais connaissance avec MM Trancline, De la Taille et Jacques Deprét.

Jeudi,5 Mars 1891

À 9H00 du matin embarquement sur la Plata. Nous éprouvons des difficultés pour nos cartouches. Elles sont heureusement livrées. Je trouve à bord le Capitaine d'Olliamson et sa femme.
À 5H00 du soir nous sommes installés définitivement en secondes ; mais habitués à voyager en premières, nous y passons en payant un supplément.
La composition des passagers nous égaye un peu, ce sont des gens bien banals sans doute. Mais de l'espèce que nous appelons des *Rastaquouères (traduction gavroche du terme "Barbares" employé par les anciens)

Historique du navire: http://www.frenchlines.com/ship_fr_1189.php

Samedi,7 Mars 1891

Nous touchons à Lisbonne et délivrés pour un moment du mal de mer, nous déjeunons gaiement à l'hôtel de Bayonne.
Nous faisons nos adieux au Capitaine D'Olliamson que nous laissons à Lisbonne où il demeure en qualité d'Attaché Militaire à la Légation Française.
Jusqu'au Jeudi 12 Mars nous avons une traversée superbe et tout se serait assez bien passé si nous n'avions eu des voisins de table odieux (rastaquouères)

Jeudi, 12 Mars 1891

A minuit nous mouillons en rade de Dakar.

Vendredi, 13 Mars 1891

Vendredi 13 mars 1891
À deux heures du matin nous descendons à terre et nous allons réveiller notre camarade Basset de l'Escadron de Spahis du Senegal.
À 6H00 du matin on débarque nos colis. Ce qui n'est pas une petite affaire et ne s'effectue que laborieusement.. Nous déjeunons chez le camarade Ferrier.
Après quoi nous allons faire visite à Mr Elau Directeur du Chemin de fer de Saint-Louis à Dakar qui nous fait un excellent accueil, et nous dînons à l'hôtel.

Samedi, 14 Mars 1891

Nous nous embarquons en chemins de fer et nous restons douze heures pour faire 190 Kilomètres. Quant à l'aménagement du matériel, je n'en parle même pas et je me borne à le qualifier de ridicule.
En route nous apprenons le meurtre de l'administrateur Genté.
Arrivée en gare de Saint-Louis nous sommes accueillis par des camarades et des amis qui nous font une réception chaleureuse et enthousiaste.
Je les nomme au gré de la plume :
Le Vétérinaire Monneau, le Capitaine Du Fresnes, des conducteurs d'artillerie de marine, les Lieutenants Amdi, Decrous et Mie.
Nous prenons un excellent dîner à l'hôtel, dont la grosse patronne et son amie nous donnent un spécimen des mœurs les plus bizarres.
Je trouve là un ancien camarade du Tonkin, Nicolas qui était brigadier au 2ème Spahis, qui se montre pour moi d'une obligeance dont je suis vraiment touché.

Dimanche, 15 Mars 1891

Visite et Déjeuner chez le *Gouverneur qui ne nous quitte plus.
Nous faisons une promenade en voiture avec son Officier d'Ordonnance le Capitaine Auclerc.
Mon Dieu, comme nous sommes partout bien reçu.

Photo ci-contre: Henri Félix de Lamothe, exerça la fonction de gouverneur du Senegal de 1890 à 1895.

Lundi,16 Mars 1891

Nous allons voir dès le matin le Colonel Dodds Commandant supérieur des troupes. Très aimable naturellement.
Il nous donne d'après les instructions du Ministre de la Marine, 1 Sergent et 5 Tirailleurs Sénégalais désignés par le Capitaine Lamarche. Après quoi nous allons faire visite à Mr Toutain, Directeur des Affaires Politiques. Tout cela prend beaucoup de temps, mais nous nous applaudissons tant nous sommes bien reçu et tout cela avance nos affaires. Nous recrutons neuf laptots mais nous n'arrivons pas à trouver un seul âne. Je n'ai jamais eu si envie d'un cheval pour me porter que j'ai eu alors envie d'un âne pour nos colis. Tout cela nous mène jusqu'au 18 Mars.

Photo ci-contre: Le colonel DODDS

Mercredi, 18 Mars 1891

Mercredi 18 mars 1891
Nous voilà dans le break de l'Artillerie qui nous mène à la gare, ou le Gouverneur, le Colonel Dodds et tous ceux qui nous avaient si bien reçus, nous fond leurs adieux et nous souhaitent un bon voyage, en mène temps que nous se mettent en route, Mr
Mie, et un Mr Bigrel, ancien Sous-Officier d'Artillerie de Marine, assez triste sujet, qui mène des laptots, Mr Dybouski.

Jeudi ,19 Mars 1891

Nous engageons deux nouveaux laptots pour nous et dix pour Arago, dont "Zanzibar" cuisinier de Basset qui a bien voulu nous le céder. Sans doute un bon cuisinier.
Il fallait commencer notre organisation définitive à Dakar. Nous ouvrons nos caisses, et nous répartissons tout ce qu'elles contiennent dans des sacs colis de 25 Kilos. Il s'est agi ensuite de réquisitionner le passage sur un nouveau bâtiment, ce qui nous a coûté bien des pas et des démarches. Tandis que Segonzac s'en va chercher à Gorée la provision de médicament, je vais à la chasse aux ânes dans un rayon de 25 kilomètres.

Laptots: http://fr.wikipedia.org/wiki/Laptot

Vendredi,20 Mars 1891

Comme nous savons qu'à l'arrivée nous aurons à passer une barre difficile où l'on chavire souvent, nous mettons tous nos bagages en tonneaux. J'avais réussi à me procurer quatre ânes au prix fabuleux de 100 Frs pièce. Quand je pense qu'en Algérie on en a de fort convenable pour 20 Frs.
Nous n'étions pas au bout, c'était à nous de joindre le bateau et de nous procurer un chaland, ce que nous fûmes non sans peine. Et comme nous avions couru pour beaucoup de choses, que la rade est mauvaise, que l'embarquement ne peut se faire à notre guise, nos colis et nos ânes passent la nuit dans le chaland le long du bateau. Enfin.

Samedi,21 Mars 1891

Nous voilà à bord ; Nous trouvons Arago, mais comme aucun ordre du Ministère n'était arrivé le concernant, il fut obligé de payer le voyage pour lui et ses laptots. Ce qui lui fait faire la grimace.
Nous allons à bord du Cloné chercher des clichés, mais comme il est en quarantaine nous ne pouvons aborder.
Enfin nous voilà embarqués pour de bon et nous commençons par déjeuner.
Cette fois nous avons pour compagnons des passagers charmants : Monseigneur Augouard qui est depuis 15 ans en Afrique dans les parages et qui est des plus intéressants à entendre, le Lieutenant de Vaisseau de Bocquencourt et son second Mr Batonnet, le juge Veneau complètement épileptique et grotesque, mais bien amusant. Mr Dybouski qui gagne beaucoup à être connu et vraiment gentil et bon garçon. Quant aux passagers de seconde, ils ne brillent pas par la distinction et ils font un bruit du diable.
Je ne puis que me louer à l'amabilité du Commandant de bord, le Capitaine Laperdris.
Pressé d'arriver, je lui demande de me débarquer au Lahou et il me le promet. Du reste, nous n'engendrions pas la mélancolie surtout depuis qu'Arago s'était joint à nous. Il m'avait apporté mon appareil à photographie.

Photo ci-contre: Paquebot " La ville de Manharao"

Mardi,24 Mars 1891

Nous arrivons à Konakry, où nous débarquons, nous apprenons que MM Brosselon et Desmichel viennent d'éprouver un échec que leur ont infligé les troupes de Samory Touré accompagnées d'un officier Anglais et qu'ils battent en retraite. Mr Staup Lieutenant d'Infanterie de Marine nous fait un cordial accueil.
Toutefois l'ère des épreuves va commencer pour nous par de petites déceptions, Mr Couturier suppléant du résident se renferme dans un mutisme absurde et ne nous donne aucun détail. Il télégraphie ou fait semblant de télégraphier à Mr Ballay, qui, ainsi que la suite le prouvera, ne répond pas.

Mercredi,25 Mars 1891

Sierra Léone. Visite à la ville, déjeuner atroce. De Segonzac, Arago, et Dybouski se font fourrer au poste. Je vais les réclamer chez le Commissaire de Police, qui se montre très aimable et les fait relâcher, nous repartons à 4 heures.

Vendredi Saint,27 Mars 1891

Dissensions oiseuses de Bocquencourt avec l'Évêque

Samedi, 28 Mars 1891

Arrivés devant Grand-Lahou après être passé à sept heures du matin devant Fresco, qui se couvre du Pavillon Français.
Je débarque avec les hommes dans une baleinière : le passage de la barre s'effectue très heureusement, grâce à un équipage de Croumans (Krou, frères ; Mans, hommes).
Je trouve à terre Armand et de Tavernost. Je retourne à bord, laissant mes hommes au poste du Brigadier de Douane Jeannin pour aller chercher les colis.
À quatre heures, tout est terminé et nous embarquons une dernière fois dans la baleinière avec Armand et Tavernost et leur médecin Queuvache. Ce dernier, qui n'avait pas bu de vin depuis deux mois, s'était rattrapé à bord et était absolument gris.
Nous chavirons à la barre, et voilà toutes nos provisions de bouche pour Pâques perdues.
Enfin, tiré de l'eau tant bien que mal, j'installe tout mon monde ; nous dînons avec Jeannin et Palazot, de l'Ouest Africain, qui est un charmant garçon.

Dimanche Pâques, 29 Mars 1891

On nous apprend que Voituret et Papillon, deux associés de Mr Palazot, ont été assassinés par les gens de Tiassalé sur le Lahou. Naturellement, il s'élève une discussion sur le parti à prendre. Le soir la nouvelle se confirme avec des détails peu flatteurs pour ces Messieurs, qui ont pillé sur leur passage et exigé de l'or des chefs du pays. Tout cela me paraît fort embrouillé. Sachant qu'Armand et de Tavernost avaient déjà eu des difficultés pour le paiement d'un bœuf, je n'ai qu'une idée, c'est de partir et de commencer ma mission.
Mais Armand entortille Segonzac qui ne veut pas quitter ; nouvelle discussion.
Nous décidons de partir avec Armand prendre les ordres du résident Mr Desailles. Je pars avec mon ordonnance, à cinq et demie en baleinière avec douze Croumans absolument gris grâce à Mr Palazot qui leur a donné une demie-jeanne de tafia. Je suis obligé de mettre moi-même à la voile avec une bâche et deux avirons de queue. Heureusement nous avons plein vent d'ouest.
La nuit dans le voisinage de la barre, avec tous ces gens gris, ce n'était que médiocrement drôle.

Lundi de Pâques, 30 Mars 1891

Nous arrivons à Djackeville où un sous-brigadier des douanes Maulon, nous fait déjeuner ; nous dormons deux heures, et nous prenons la route de de Dabou à quatre heures à pied.
De Djackeville à la lagune, 6 kilomètres dont deux dans un marigot où l'on est dans l'eau jusqu'aux épaules. Au bout du chemin nous trouvons la lagune et une toute petite pirogue qui nous conduit à Dabou chez Péan, où nous arrivons très fatigués à onze heures du soir.
Il nous reçoit à merveille, me donne un excellent lit, et le lendemain matin.

Mardi, 31 Mars 1891

Je repars pour Grand-Bassam laissant Armant qui n'en pouvait plus. J'arrive à Grand-Bassam à deux heures.
Mr Desailles, très ennuyé de la nouvelle que je lui apportais, télégraphie à Mr Basset et me dit que je n'ai qu'à poursuivre ma mission et de ne pas me préoccuper du reste.
Je trouve Arago, que la nouvelle contrarie beaucoup aussi puisqu'il doit passer à quelques kilomètres nord de Tinali. Nous formons alors le projet de nous retrouver du côté de la lagune de Gli. Je repars à dix heures du soir, et j'arrive le lendemain matin, 1er Avril, à Dabou.

Mercredi, 1 Avril 1891

Arrivé à Dabou, J'y déjeune et j'en repars à une heure, emmenant avec moi, sur le Diamant 30 hommes Dahoméens, de la milice que l'on envoi au Brigadier Jeannin comme renfort.
J'arrive au bout de la lagune à six heures du soir ; nous marchons dans la forêt pour rejoindre la mer pendant environ deux heures. Je veux continuer la nuit ; mais à bout de force, je m'arrête pour dormir deux heures. L'interprète me trouve une pirogue qui veut bien me porter à Grand-Lahou, où j'arrive à dix heures, après avoir chaviré dans la barre et mouillé mes armes et mes papiers ; les miliciens arrivent à midi.
Pendant mon absence, Segonzac était remonté à moitié chemin vers le Lahou, avec de Tavernost, et des hommes leur avaient confirmé les détails sur l'assassinat des deux mercantis.
Cette histoire est très embrouillée. Les mercantis disent que c'est de la faute de la mission de Tavernost qui a surexcité le pays. Tavernost dit que c'est la faute des autres. Il n'y a rien à y comprendre. J'ai hâte de m'en aller d'ici et de marcher en avant.

Vendredi, 3 Avril 1891

Je prépare le départ. Nous réquisitionnons la chaloupe de Mr Verdier pour nous mener à Petit-Lahou, car le pays est trop en l'air pour nous fournir un seul porteur.

Samedi, 4 Avril 1891

Samedi 4 avril 1891
Le matin nous louons trois grandes pirogues au chef Djoun pour notre matériel et nos ânes, et nous partons ainsi équipé. Voici l'ordre et la marche :
QUIQUEREZ, de SEGONZAC.
GALLO DIALLO, sergent tirailleur sénégalais, de 1ère classe.
ABBAS BAÏDI, caporal tirailleur sénégalais.
GOR DIEUL, tirailleur sénégalais.
DAKARY OULARI, tirailleur sénégalais.
BIARRE CIM, tirailleur sénégalais.
FATIGUEZ LISOCO, tirailleur sénégalais.
AHMADOU ABDOUL, laptot armé.
ALI BARI, laptot armé.
SAMBALA, laptot armé.
MOUSSA AHMADOU, laptot armé.
MAURI COMBA, laptot armé.
OUALI DJARA, laptot armé.
IBRAHIM SAMBA, laptot armé.
TECTEBA, laptot armé.
SAMBADJAÏ, laptot armé.
BOULENDEN DJIB, laptot armé.
AMAD NIAÏ, laptot armé.
Quatre ânes à deux paniers.
Une tente - une caisse popote - deux lits - deux pliants - une table - une bâche - cinq sacs à dos dont un à pharmacie - cent vingt-cinq sacs en toile imperméable contenant la pacotille.
Nous arrivons à Petit-Lahou à cinq heures. La population d'abord très farouche, s'amadoue. Nous faisons dresser notre camp et nous palabrons. Tout va pour le mieux.
Petit-Lahou dont le chef s'appelle Gras, est un très gros village commandant à trois autres à peu de distance au nord-ouest de la lagune.
Au Petit-Lahou, situé sur la mer, est établie une factorerie anglaise qui fait beaucoup d'huile de palme.

Lundi, 6 Avril 1891

À huit heures, nous faisons signer un traité au chef Gras, qui ne demande pas mieux ; nous lui faisons un beau cadeau et nous nous embarquons pour Fresco avec douze porteurs du pays. Nous arrivons au bord de la mer à midi. Nous désirons absolument arriver avant la nuit à Fresco, parce que nous craignons que nos porteurs ne nous lâchent.
Nous marchons pendant toute la grosse chaleur. À moitié chemin, un chef, gros tributaire de Fresco vient à notre rencontre et ses hommes remplacent nos porteurs. Une partie de nos bagages est mise en pirogue sur la lagune avec le sergent Gallo. Gras nous promène un peu de village en village, il fait nuit et nous sommes obligés de nous en rapporter à lui. Il nous mène chez le chef Niela, qui est le frère de celui de Fresco, mais un préjugé superstitieux les empêche de se voir.
Il fait noir, je marche en tête et j'entre dans l'eau et ou je manque d'être saisi par un caïman. Mon ordonnance fait du bruit en venant à mon secours et je m'en tire sain et sauf. Cela fit beaucoup rire les nègres. Il s'en fallu de peu que les laptots qui étaient derrière moi ne fissent feu et je n'y aurais peut-être pas échappé.
La lagune nous barre le chemin.
Les eaux se mêlent à celles de la mer à marée haute.
On nous envoi de Fresco une grande pirogue et nous arrivons enfin à dix heures du soir. Le chef Godo est absent. On nous donne sa maison construite d'épaves ramassées çà et là.

Mardi, 7 Avril 1891

Nous allons voir le roi Yéri, qui nous reçoit très bien et qui nous montre un traité signé entre lui et Péan. Nous visitons d'autres chefs et nous leur faisons des cadeaux.

Mercredi, 8 Avril 1891

Nous repartons à la recherche du Tuco. Nous visitons une énorme lagune situé à l'ouest de Fresco, et qui s'étend du nord au sud, ce qui a probablement fait croire à l'existence d'une rivière ou d'un fleuve : mais il n'y a pas de doute que ce soit une lagune : l'eau y est salée comme celle de la mer qui l'alimente du reste.
On nous mène à un grand village situé à 10 kilomètres dans l'intérieur, Zacaraco, où l'on avait vu de blanc. Le chef Goddé nous dit qu'il dépend de Fresco, et après une certaine hésitation, consent à nous recevoir.
Nous revenons le soir. Visite à Niéré : nous donnons des cadeaux aux principaux chefs.
De Segonzac commence à être souffrant.
Je vais faire le croquis Est de la lagune.
Toujours pas de Fresco.
Nous faisons nos adieux aux habitants.

Jeudi, 9 Avril 1891

Impossible de trouver des porteurs pour Kootrou, vu la guerre qui existe entre le village et Tuco.
Nous laissons donc un homme, Samdadjaï, avec la grosse partie de notre pacotille, que nous enfermons dans un magasin de Godo.

Vendredi, 10 Avril 1891

Nous partons avec tout notre monde n'ayant pour tout moyen de transport que nos quatre ânes.
Dix-huit guerriers de Fresco nous accompagnent en costumes de guerre, armés pour la plupart de fusils à tabatière vendu par les Anglais.
la mer serre tellement la falaise que nous sommes obligés de faire un détour de six kilomètres par la forêt, débroussaillant à mesure que nous marchons et nous pliant en deux pour passer sous les lianes. Enfin, au bout de cinq heures de cette marche, nous arrivons à la plage.
Là, nos guerriers nous lâchent après avoir reçu un léger salaire.
Il est onze heures et demie et il fait une chaleur terrible.
De Segonzac est de plus en plus malade ; nous faisons encore deux kilomètres et nous arrêtons dans un retrait de falaise, où les hommes creusent un puits d'eau ; l'eau d'abord potable devient salée à mesure que la marée monte.
Nous avons eu depuis huit jours que de la viande de chèvre et du riz. Mais maintenant plus que du riz.

Samedi, 11 Avril 1891

Nous repartons, mais de Segonzac peut à peine se trainer. Nous faisons six kilomètres. La plage qui suit la direction ouest-Est devient de moins en moins large, nous sommes arrêtés, obligé d'attendre la marée basse pour passer. À midi nous repartons, forcés de décharger les ânes et de faire porter nos bagages par nos hommes pour passer environs 200 mètres de récifs resserré entre la mer et la falaise. La plage s'élargie un peu, nous continuons notre route.
À un kilomètre nous trouvons un ruisseau d'eau douce, seule bonne eau que nous ayons bue depuis le bord.
Nous faisons encore dix kilomètres, puis Segonzac trop malade est obligé de s'arrêter. Nous coupons près d'un marigot d'eau saumâtre. Nous n'avons toujours comme nourriture que du riz. Malgré cela, nos hommes sont assez en train ; il mange du riz à l'eau en disant de temps en temps pour toute plainte : " campagne", ce qui résume pour eux toute les misères. Il est cinq heures, et Segonzac qui vient de se réveiller va mieux.

Dimanche, 12 Avril 1891

Nous partons à six heures du matin, nous marchons deux heures et nous apercevons Kotrou.
Une demi-heure après, nous touchons au premier village, que nous abordons avec précaution nous attendant à être attaqué. Nous le trouvons absolument barricadé à l'est, c'est à dire du côté ou nous arrivons, et une énorme palissade barre le chemin. Les habitants rentrent à notre approche, et tout fait prévoir une attaque.
Cependant il n'en ai rien, il n'y a qu'une défensive armée.
En passant devant la porte du village nous appelons un habitant qui arrive aussitôt. Nous sommes de suite amis, petit à petit toute la population arrive, presque tout le monde parlent anglais, et nous voyons tout de suite que nous pouvons camper.
Kotrou se compose de trois très grand villages éloignés les uns des autres d'environ 800 mètres et séparés entre eux par des saillants de falaises.
À côté du village du centre se trouve une factorerie anglaise. L'anglais qui l'occupe, loin de venir au-devant de nous, affecte le plus grand dédain. Contrairement à l'avis de Segonzac, qui veut aller le voir, j'estime qu'un officier Français n'a pas à faire d'avances à un Anglais. Nous passons outre et nous arrivons au dernier village où est le roi Keffé, qui parle parfaitement l'anglais. Il nous reçoit d'abord froidement, puis, petit à petit il s'amadoue. Il est midi ; je viens de le quitter, après lui avoir payé un bœuf, que nos hommes rapportent. Je me suis fait un ami dans le village, grâce à ce bœuf.
Les bœufs, quoique localisé dans une grande prairie, sont encore à l'état sauvage et on ne les tue qu'à coup de fusil. Cet habitant qui est le plus riche du pays, est le frère du chef ; il m'a mené dans la prairie, et comme j'ai eu la chance d'abattre le bœuf qu'il me désignait à 200 mètres - ça a été de toute façons un coup du ciel - tous les chefs sont arrivés, ont regardé ma carabine, ont été voir le bœuf qui était traversé. Enfin il est midi et nous n'avons que des amis.
Quoiqu'il en soit, c'est bien difficile, à la porte d'un Anglais hostile qui tient en quelque sorte le pays, de faire signer un traité. Nous allons néanmoins l'essayer, j'espère que nous ne remporterons pas une veste. En tout cas ça en vaut la peine. Kotrou est un pays riche où l'on fait à profusion de l'huile de palme. Les habitants sont très commerçants. Ils sont robustes et peuvent faire d'excellents baleiniers pour le passage des barres. Il y a beaucoup de bétail relativement bon marché : nous avons payé notre bœuf 40 frs. mais nous l'aurions eu pour 30 frs. ou même 20 frs. Si cela n'avait été une simple entrée en matière. Le riz que l'on trouve du reste facilement, pousserait à merveille dans ces parages très irrigués quoique coupés de hauteurs.

ASPECT GENERAL DE TRESCO A KOTROU

La côte est partout la même série de falaises et de rentrant dans lesquels on trouve un peu d'eau douce ; elle est en plusieurs endroits coupée de récif et le passage entre la mer et la falaise à marée basse n'est pas plus de 4 à 5 mètres.
Beaucoup d'épaves jonchent la plage. Ce pays me paraît à moi qui est vu la culture du riz au Tonkin, particulièrement apte à recevoir ce grain.
Mais les habitants ne font guère que de l'huile de palme qu'ils échangent aux Anglais pour tout ce qui leur est nécessaire et surtout pour du gin, et il faut voir le peu qu'on leur donne pour une barrique de 250 litres d'huile.
De Segonzac va un peu mieux ; nous retournons chez Koffé, qui nous reçoit et témoigne le désir de venir voir notre camp le lendemain matin.
Je fais la photographie de la côte et nous nous couchons.


Lundi, 13 Avril 1891

**Lundi 13 avril 1891
Le roi arrive chez nous à huit heures du matin, suivit de son frère Pottay. Nous lui demandons s'il veut faire un traité d'alliance avec la France. Il nous répond affirmativement après s'être entendu avec sa suite, mais il insiste pour que les navires Français viennent chez eux.
Nous lui disons que nous le demanderons avec notre gouvernement. Il signe donc un traité d'alliance avec nous, ayant comme témoin son frère ; nous lui remettons un pavillon Français.
Nous lui demandons quatre porteurs pour soulager nos ânes, il nous donne immédiatement quatre de ses esclaves auxquels nous promettons un shilling à chacun.
Le frère du roi nous donne son fils Potty, pour nous accompagner.
Nous déjeunons et nous partons à trois heures escortés d'une partie du village et du frère du roi qui vient nous accompagner un peu. Avant notre départ, le roi a insisté pour nous faire boire un peu de gin, ce qui nous a littéralement empoisonnés.
Il ne fait pas trop chaud, un gros orage étant tombé la nuit dernière, et nous pouvons facilement marcher. La côte a toujours le même aspect, quoique un peu plus verdoyante. Nous passons sur une espèce de petite pointe de rocher qui s'avance dans la mer, et à un de ses rentrants nous apercevons une cascade, d'une hauteur d'environ 40 mètres d'où coule une eau délicieuse.
Nous faisons ainsi 9 kilomètres 500 mètres et nous nous arrêtons au bord de la mer, à 1500 mètres d'une lagune dont l'eau est potable ; il est cinq heures et demie ; nous campons.
Le roi arrive chez nous à huit heures du matin, suivit de son frère Pottay. Nous lui demandons s'il veut faire un traité d'alliance avec la France. Il nous répond affirmativement après s'être entendu avec sa suite, mais il insiste pour que les navires Français viennent chez eux.
Nous lui disons que nous le demanderons avec notre gouvernement. Il signe donc un traité d'alliance avec nous, ayant comme témoin son frère ; nous lui remettons un pavillon Français.
Nous lui demandons quatre porteurs pour soulager nos ânes, il nous donne immédiatement quatre de ses esclaves auxquels nous promettons un shilling à chacun.
Le frère du roi nous donne son fils Potty, pour nous accompagner.
Nous déjeunons et nous partons à trois heures escortés d'une partie du village et du frère du roi qui vient nous accompagner un peu. Avant notre départ, le roi a insisté pour nous faire boire un peu de gin, ce qui nous a littéralement empoisonnés.
Il ne fait pas trop chaud, un gros orage étant tombé la nuit dernière, et nous pouvons facilement marcher. La côte a toujours le même aspect, quoique un peu plus verdoyante. Nous passons sur une espèce de petite pointe de rocher qui s'avance dans la mer, et à un de ses rentrants nous apercevons une cascade, d'une hauteur d'environ 40 mètres d'où coule une eau délicieuse.
Nous faisons ainsi 9 kilomètres 500 mètres et nous nous arrêtons au bord de la mer, à 1500 mètres d'une lagune dont l'eau est potable ; il est cinq heures et demie ; nous campons.

Mardi, 14 Avril 1891

Départ à cinq heures trois quarts. Nous continuons notre route à l'ouest pendant trois kilomètres, puis nous sommes brusquement arrêtés par une série de récifs venant d'un saillant de falaise qui barrent la plage ; nous sommes obligés de faire décharger nos ânes et de faire prendre tout à dos d'homme.
Après ce passage difficile, nous arrivons dans une petite baie de l'autre côté de laquelle apparaît un énorme rocher que nous atteignons bientôt. Là, l'obstacle est effrayant : cependant il faut passer et nous commençons à faire hisser tous nos ballots par les hommes, quant aux ânes il faut aussi les passer à dos d'homme.
Pendant toute la durée de cette opération, la lame vient frapper avec une telle force le rocher qu'elle jaillit de tous les côtés, nous aveugle et nous mouille.
Il est huit heures quand nous pouvons repartir et le soleil est terriblement chaud ; c'est la journée la plus chaude que nous ayons encore eue ; le thermomètre marque 43°. De Segonzac se traîne et souffre beaucoup.
Plus nous avançons, plus la végétation devient belle ; nous avons à notre droite de superbes palmiers, des cocotiers et des fromagers.
L'eau des lagunes généralement très salée, s'adoucit aussi de temps en temps ; on en trouve même de très bonne. À cinq kilomètres nous rencontrons encore quelques rochers à travers lesquels coule une eau excellente. Enfin nous apercevons Trépoint ou Trépoint à 2 kilomètres, et nous arrivons après avoir fait douze kilomètres depuis le matin.
Trépoint est un gros village qui ne demande qu'à faire du commerce ; on y rencontre beaucoup d'huile qui est certainement à bon marché ; on y fait d'excellent vin de palme. Presque tous les fruits s'y trouvent : bananes, avocats, pastèques, patates, etc...L'eau de la lagune est douce. Les habitants nous accueillent parfaitement bien.
Le roi Foco qui est aveugle, mais qui, malgré cela, possède une grande autorité sur ses sujets, a un certificat d'un Capitaine de bateau français avec lequel il fait du commerce ; il sait quelques mots de français ; mais je ne puis me faire comprendre de lui qu'en anglais, que la plupart de ses sujets parlent aussi. Il est très désireux de faire du commerce avec la France, et dans l'après-midi il nous signe avec plaisir un traité, heureux, dit-il d'être Français.
Son frère Laladan et le chef Coffé servent de témoins. Le soir nous allons chez le roi et c'est une véritable ovation.
Un commerçant intelligent qui viendrait à s'établir à Trépoint, ou mieux encore entre Trépoint et Grand-Trépoint, aurait gros à gagner.
Ces gens-là seront en somme à qui s'installera le premier chez eux. Ils font grand cas du corail.

Mercredi, 15 Avril 1891

Nous repartons à six heures, ayant un très mauvais passage dans les récifs ; au bout de ce passage nous apercevons une petite baie, terminée à son extrémité par de nouveaux récifs. Sur la côte ouest de cette baie est situé le village du Grand-Trépoint, qui est aussi sous la dépendance du roi Foco, quoiqu'il soit en froid avec le chef de ce village, le roi Levis. Je pars devant pour voir le mauvais passage qui termine la baie, et je dis en passant au roi, que je le pris de venir causer avec moi à mon camp, que je vais installer à la pointe de la baie, de façon à faire passer tout mon monde ce soir, car je prévois que ce sera un passage difficile. Je veux pouvoir repartir demain de très bonne heure pour arriver à Sassandré qui est situé, d'après les renseignements d'un boy anglais que je viens d'engager, de l'autre côté de la rivière du même nom; ce n'est pas ma seule raison: j'ai appris par ce boy que de l'autre côté de la pointe, existe un autre village appelé Petit-Trépoint, dont le chef Aménay est en désaccord avec les deux précédents; je veux donc me placer entre eux afin de n'en froisser aucun.
Je pousse une pointe jusque de l'autre côté du cap et je vois en effet cet autre village. J'y dépêche mon boy pour prier le roi de venir me voir à cinq heures ; puis je rebrousse chemin et je plante mon camp à l'extrémité de la pointe même. De Segonzac, toujours très faible, arrive peu après.
Il est onze heures ; le roi Levis arrive avec tout le village : il semble un peu hésitant ; mais un bon cadeau le rassure. Je lui fais éloge du commerce français, lui disant que son pays est un excellent pays, etc... Une heure après nous buvons le vin de palme ensemble, et il me demande de lui-même qu'un navire français vienne faire la traite avec lui. Nous lui demandons s'il veut bien être Français lui-même ; il répond affirmativement et signe, ainsi que son frère et son fils, qui doit lui succéder et peut-être même réunir les deux Trépoint Est et Ouest, un traité.
Quand je lui dis que j'en envoi le double en France, il paraît très content.
A midi il nous quitte en me faisant promettre d'aller le soir le voir, ce qui m'ennuie un peu, vu qu'il fait très chaud et que nous sommes loin de son village. Néanmoins j'irai cet après-midi, avant l'arrivée de l'autre roi. Ce sera du reste une bonne façon de les empêcher de se rencontrer. La côte, a toujours le même aspect, il est certain que derrière toutes ces lagunes existent un grand marigot qui doit les relier entre elles. Mais la forêt qui, au dire de tous les habitants depuis Kotrou, s'étend très loin au nord est absolument impénétrable ; on en défriche la lisière que quand l'huile de palme de tous les palmiers de la côte est à peu près épuisée et qu'il est nécessaire de mettre à jour d'autres palmiers ; ce qui tend à prouver que cette ressource est inépuisable dans cette contrée.
L'huile de palme, qui est d'un jaune très foncé vu la façon très primitive dont elle est faite, est excellente et l'on fait de très bonne cuisine avec. De plus, dans les lampes que nous avons, elle brûle sans laisser aucune espèce de résidu et en donnant une très bonne clarté.
Il est quatre heures, je viens de rendre à Levis sa visite ; j'ai passé à peu près deux heures à visiter toutes les cases, qui sont toutes de grandes fabriques d'huile. J'ai beaucoup causé avec les habitants, surtout avec Kouasi, fils du roi. C'est un garçon fort intelligent et, après beaucoup circonlocutions, il a fini par me dire que, dans la brousse, c'est a dire dans la forêt du Nord, il existe, ce que les autres m'avaient caché, une peuplade qui leur apporte un peu d'ivoire et beaucoup d'huile de palme ou du moins de la graine pour la faire, car les pochons (grands tonneaux) dans lesquels on la livre aux Anglais n'existent que dans les villages de la côte. Hossero est, m'a-t-il dit, le grand treadman (marchand), de ce village, c'est à dire de Trépoint du centre, qui traite avec les habitants de la forêt.
Ce village a toujours à cette époque-ci trente pochons (environ 7500 litres) d'huile à livrer, et en attendant huit jours on triplerait ce chiffre. Je signale aussi tout particulièrement l'absence complète de barre entre Grand-Trépoint et les récifs qui terminent la baie à l'Ouest.
Plus on se rapproche de ces derniers, plus la barre est nulle ; on peut, en voyant les récifs, atterrir avec n'importe quelle embarcation. C'est du reste en cet endroit que les habitants du village ont les leurs. À cinq heures, le chef du dernier Trépoint est arrivé, ou plutôt à envoyé un de ses traitants. Ce dernier m'a dit qu'il était venu me voir, mais qu'il désirait que je me rende sur son territoire pour palabrer.
Segonzac étant souffrant je m'y rends seul. Après avoir passé le cap bordé de récifs et marché pendant 300 mètres, j'arrive dans un grand village très bien tenu, devant lequel on distingue, parmi les pirogues qui jonchent la plage, quatre énormes pirogues ayant environ 25 à 30 mètres de long sur 1 mètre 50 centimètres de large: c'est de beaucoup les plus larges que j'ai vue jusqu'ici, elle servent, m'ont dit les habitants à porter à bord des navires les tonneaux d'huile; chaque pirogue peut contenir six grandes barriques.
Il y avait au palabre le frère du roi Foco du premier Trépoint, les deux chefs Amenay et Zayray, je crois ces derniers forts riches et forts intelligents ; ils ont sur toute la côte une grande influence ; mais ils sont brouillés avec le Grand-Trépoint ou Trépoint du milieu et avec le village de Sassandré.
Ils m'ont dit avoir déjà fait beaucoup de commerce avec la France et se sont plaint du manque de navires Français sur cette côte. Je n'ai pas fait un nouveau traité avec eux puisqu'ils dépendent de Foco avec lequel j'en ai un.
Je leur ai demandé s'ils pourraient me prêter une pirogue avec deux hommes pour porter mon camarade malade à Sassandré. Ils m'ont répondu, après une longue discussion, qu'ils voulaient bien déposer le blanc sur la rive gauche du Sassandré, mais qu'ils étaient trop mal avec le village pour l'y mener. Comme je devais moi aussi passer la rivière, j'acceptai, me promettant de dire à Segonzac de m'attendre pour passer.
Je leur demande aussi quatre porteurs qu'ils me donnèrent, mais encore à la condition que nous ferions apporter nos bagages devant leur village, et qu'ils les prendraient là. J'aurai désiré les avoir pour passer les récifs du cap, mais mon insistance fut inutile. En somme, ce village est tenu par ces deux traitants qui en accaparent les produits pour les vendre aux factoreries anglaises de Drewin et à Zagui.
Voici ce qu'ils m'ont dit au sujet de Zagui.
Zagui est un gros traitant qui accapare le commerce entre Sassandré et San Pedro. Il fait, d'après ce que j'ai pu comprendre concurrence aux maisons anglaises de Drewin, quoiqu'il vende, toujours d'après ce que j'ai cru comprendre, ses marchandises à des marins anglais. Il a une très grande influence sur les chefs de ce pays, et il peut certainement nous servir beaucoup contre l'influence anglaise qu'il a lui-même à combattre, pour son commerce personnel. Il serait bon je crois de lui faire une petite pension comme à Godo, de Fresco, son ami Zagui, m'a-t-on dit parle le français et même le lit; j'ai donc hâte de le voir; aussi lui dépêcherai-je demain matin mon boy, en le priant de venir me voir à Sassandré où j'espère être demain matin, et je pense par un beau cadeau acquérir son amitié, ce qui faciliterait beaucoup notre tâche.

Jeudi, 16 Avril 1891

Nous sommes encore à la même place, avec tout ce que nous avons, entièrement trempé. Une tornade c'est abattue cette nuit vers une heure sur notre pauvre camp ; gourbis et tente ont été enlevés. Il est huit heures ; nous venons de redresser nos tentes, mais tout est si mouillé et si plein de sable qu'il est inutile de songer à partir.
J'arrive à Trépoint Ouest où il m'a été impossible de rien obtenir des habitants qui réparent les avaries que la pluie a occasionnées dans leur village ; ils m'ont dit de revenir dans une heure. J'ai hâte d'avoir ma pirogue pour Segonzac ; je ne sais pas ce qu'il a ; il se plaint beaucoup de l'estomac, mais il n'a pas de fièvre, il est surtout sous le coup d'un abattement énorme : il dort tout le temps et est très difficile à nourrir. J'ai hâte d'être chez Zagui auquel je demanderai l'hospitalité pendant quelques jours pour le retaper ; il faut du reste que je retourne à Fresco chercher le reste de notre pacotille que j'y ai laissée faute de moyen de transport entre Fresco et Kotrou, vu la guerre.
Il est une heure. Je fais tout porter devant le village Ouest, où nous trouvons nos porteurs, et nous partons.
Segonzac a sa pirogue. Au bout de 1500 mètres, nous sommes arrêtés par des récifs. Les habitants courent après moi et me disent qu'il me sera impossible de faire passer nos ânes. Je vais voir le passage : c'est en effet dangereux pour un homme ; néanmoins je n'ai pas le choix ; je fais d'abord passer les hommes ; ils reviennent et l'on commence à hisser ces pauvres ânes au milieu des rochers : c'est pour eux un vrai martyre et pour les hommes un travail énorme ; le dernier âne tombe dans une crevasse et on l'en retire en lambeaux.
Tout le village, le roi en tête, est venu voir ce passage difficile qu'ils jugeaient impossible. Aussi quand il est terminé, les félicitations pleuvent. J'aurais préféré qu'ils m'aidassent dans le moment difficile.
Nous avons mis trois grandes heures à ce travail, il est cinq heure moins un quart ; aussi je presse un peu le pas, quoique tous mes ânes et deux de mes hommes soient éclopés.
À six heures, j'arrive sur la rive gauche du Sassandré ; je trouve Segonzac qui m'attendait avec un noir palabrant avec lui pour avoir une pirogue. Les pirogues qui viennent sont très petites, aussi faut-il reficeler nos ânes pour les mettre dedans. À sept heures nous sommes installés sur la rive droite au bord de la mer et contre le village du centre de Sassandré.

Vendredi, 17 Avril 1891

Dès le matin, nous allons voir le Roi qui s'appelle Dogo ; nous nous apercevons bientôt que c'est un Roi en carton, et que le vrai Roi est Bogray, qui est un noir traitant anglais ; aussi nous regrettons un peu nos cadeaux.
Nous allons voir ce Bogray qui nous reçoit fort mal, et c'est à grand peine que nous pouvons nous procurer des vivres. Voyant cela je résolu d'aller trouver Zagui, et de le prier devenir avec moi ici. J'ai encore toute les peines du monde à trouver une pirogue.
Bogray me met les bâtons dans les roues. Enfin il est dix heures, et, grâce au vieux Dogo, je pars avec un tirailleur pour Drewin.
Dès que j'ai passé la côte, je vois des villages qui la bordent à perte de vue : deux d'abord qu'on appelle Alf Sassandré, puis un dernier du nom de Coumnan ; à ce dernier malgré moi, les piroguiers ont mis le cap sur la terre et nous débarquons. Je m'aperçois alors que Bogray a embarqué parmi les piroguiers, son fils Moni. Je l'interroge, et il me dit que nous sommes à deux heures de marche du village de Zagui, et qu'il ne peut passer les premiers villages de Drewin sans me montrer ; il cherche même à me faire m'arrêter dans un village où est un traitant anglais noir ; mais j'avais heureusement demandé en mer à un piroguier de me montrer où était le village de Zagui qu'il m'avait désigné à l'extrémité d'un banc de rocher que l'on voyait très au loin.
Je me décide donc à parcourir toute la côte et à me rendre le plus tôt possible chez Zagui, en qui j'espère, d'après le rapport Bideau, trouver un allié...
Au bout d'une heure de marche, j'arrive à un grand village où est installée une factorerie anglaise de la maison William Krak. Un anglais vient au-devant de moi, il m'offre très aimablement de me rafraîchir, ce que je suis forcé d'accepter. Il y a sur la rade deux grands voiliers en chargement à destination, l'un de Marseille, l'autre de Liverpool, tous deux Anglais bien entendu. Nous causons des différents produits de la côte, des noirs etc. ... et je leur dis que je viens faire la carte de la côte. Ils sont du reste très aimables ; mais nous restons chacun assez froid de part et d'autres. Au bout d'une demi-heure je les quittais. Ils me demandèrent quand je reviendrais, de m'arrêter pour prendre quelque chose chez eux : à 1 kilomètre de là, autre village dans lequel un anglais qui affecte de ne pas se déranger ; l'attitude du village reste du moins parfaitement hostile le fils de Bogray qui me suis ou me précède à 100 mètres y aide puissamment.
Je fais encore 5 kilomètres sur la plage et j'arrive à un endroit où le chemin passe à une vingtaine de mètres d'un cimetière où sont enterrés des noirs, sur les tombes desquels les anglais ont mis des croix en bois avec des inscriptions en anglais. Le piroguier qui m'accompagne me montre alors le village de Zagui, qui est le dernier.
J'arrive bientôt devant ce village quand, brusquement quatre détonations partent derrière les palissades. J'arrête mon tirailleur, qui a déjà chargé son fusil ; je le lui fais mettre en bandoulière et, ne voyant pas d'autre moyen que d'avancer, je mets mon casque sur mes yeux, mon tirailleur derrière moi. Ce dernier, très crânement, tient absolument à me faire rempart de son corps, et je suis obligé de le brutaliser pour le faire obéir ; il finit par céder en me disant que je suis fou.
Cependant je continue à avancer deux autres détonations partent des palissades et une espèce de mitraille passe en faisant une musique terrible près de moi... Mon tirailleur veut alors me passer autour du cou son grigri, petit sac en peau renfermant un fétiche...
Je suis à 25 mètres des palissades ; je m'arrête et je fais signe à un homme de venir. Il arrive avec hésitation, je lui demande en anglais de me conduire chez Zagui ; il me dit qu'il veut bien et me fait marcher devant. je passe le long d'un énorme village qui a bien, qui a bien 1 kilomètre de long. La dernière case sorte d'immense hangar est la maison de Zagui; ce dernier ne tarde pas à paraître, et me dit que l'on a ameuté tout le monde contre les Français en disant qu'ils font la guerre partout où ils vont, je le rassure, lui fais la promesse d'un cadeau, et lui dis que, si j'étais venu pour faire la guerre, j'aurai au moins pris des armes et que j'étais exprès venu sans être armé. Je le pris de me mener chez le roi Akla : ce qu'il fait ; mais sur tout mon passage je vois des fusils.
J'arrive chez le roi ; tout le village est en palabre : il y a là environ 50 fusils, tous à piston, je reste facilement une demi-heure sans pouvoir parler, tant la population vocifère. Enfin je puis leur faire un long laïus en anglais, seule langue qu'ils comprennent tous. Je leur dis que la France veut les avoir pour amis et qu'ils ont eu tort de me tirer dessus, car c'est eux-mêmes alors qui me déclaraient la guerre. Je termine en ajoutant que les coups de fusils n'ont jamais fait reculer un Français, etc., etc...Il s'ensuit un long brouhaha d'une demi-heure pendant laquelle du reste on finit par m'apporter de l'eau, ce que j'avais bien besoin ainsi que mon tirailleur.. Zagui prend la parole, et le roi finit par me tendre la main.
Nous causons longtemps ; ils se plaignent tous de ce que le France n'a pas tenue les promesses que Mr Bideau leur avait faites. Je leur dis que la France n'a pas été contente de Mr Bideau et que c'est pour cela qu'elle m'envoie. Nous causons deux bonnes heures, au bout desquelles nous sommes sérieusement amis. Je retourne chez Zagui avec lequel je cause ; il me promet de tout faire préparer pour mon passage, mais il est goutteux et ne peux venir avec moi. Je lui demande son fils qui parle bien anglais et qui sait deux ou trois mots de français ; il finit par me le donner, mais après bien des réticences. Je vais voir après cinq grands chefs du village et je puis repartir. Je suis bien heureux d'être allé là tout seul, car si j'y étais arrivé avec tout mon monde s'était la guerre assurée.
Zagui me dit en partant de me méfier de Bogray, du Sassandré.
Je repars et je trouve sur mon passage un accueil meilleur, sans que pour cela il soit cordial. J'arrive à la maison Krak (William) où on est encore fort aimable pour moi ; enfin très fatigué, je puis regagner ma pirogue et je suis de retour à Sassandré à dix heures du soir.

Samedi, 18 Avril1891

Le matin nous allons voir le roi du grand village, qui s'appelle Bogray ; nous lui faisons un beau cadeau de corail, qu'il accepte fort bien ; puis quand nous lui demandons à avoir une pirogue pour monter le Sassandré, il nous dit qu'il n'en a pas et que, du reste, il ne veut pas nous laisser remonter. Il nous dit ensuite qu'il est Anglais, et qu'il ne veut pas connaître d'autre peuple blanc. Nous avons beau insister, il nous oppose un silence le plus absolu, et quand nous lui offrons de luis échanger des marchandises contre une chèvre, il nous dit que tout ce qu'il a est parti dans la forêt. Pendant tout ceci Moni, l'agent anglais qui excite tout le monde, finit par sortir et va planter devant notre tente un immense drapeau anglais.
Je me rends alors chez le roi, et je lui demande s'il a un traité ou un papier quelconque signé avec l'Angleterre, il me dit que non, ce dont je suis persuadé. Du reste, voici que j'apprends peu après que Moni a rapporté ce pavillon de la maison William Krak qui a joué avec moi un double jeu. Je plante alors devant ma tente le drapeau Français ; mais cela est bien inutile : après avoir planté son drapeau, Moni a emmené tout le village, et il ne reste plus personne ; aussi nous est-il impossible de trouver à manger.
Dans ces conditions, il ne nous reste plus qu'à nous en aller ou à faire agir la force, et j'avoue que j'ai longtemps hésité avant d'employer le premier moyen ; mais en réfléchissant que j'ai à traverser tout le pays des Croumans qui sont alliés aux gens de Sassandré. J'ai préféré abandonner cette rivière, qui pourtant me paraît bien intéressante, plutôt que de compromettre ma mission. Je me décide donc à prendre le croquis de la lagune et des quatre premiers kilomètres de fleuve que je fais à pied avec quatre hommes ; puis en revenant j'ordonne le départ pour le lendemain matin.

Dimanche, 19 Avril,1891

Nous partons, ayant pour guide notre boy de Trépoint ; le passage par la plage est impossible, craignant d'être attaqué dans la brousse ; je l'aurais pourtant préféré.
Nous nous engageons dans un sentier que nous sommes obligés de faire élargir devant nous. Nous faisons ainsi deux kilomètres, puis le sentier aboutit au village de Toffidou qui dépend de Bagray : par conséquent rien à faire. Nous repartons par la falaise dans la brousse 1500 mètres après, nous arrivons à Alf Sassandré, dépendant aussi de Bagray.. Nous reprenons le sentier de la falaise et au bout de 800 mètres nous arrivons à Batalbriay, où le chef dit qu'il est anglais, toujours sans traité. Même chose à un kilomètre plus loin à Little Batalbriay. Là, la mer s'éloigne de la falaise, que nous pouvons suivre. Il y a au nord de Batalbriay deux gros villages situés à 2 kilomètres de la mer, on les voit de la falaise, ils s'appellent Briric. Nous rencontrons à 1 kilomètre le village de Djamley : là Segonzac n'en peut plus et le fils de zagui lui fait donner une pirogue qui se tient à ma hauteur en mer ; du reste je connais parfaitement la plage, puisque j'ai fait la route l'avant- veille. Nous arrivons à Caumantown. Je m'arrête pour palabrer avec le chef qui est fort aimable, mais qui commence par me dire qu'il est Anglais. Je lui demande s'il veut faire du commerce avec la France ; il me répond carrément que non. Nous nous quittons du reste bon amis ; mais enfin comme résultat c'est nul.
De Caumantow à Drewin il y a 4 kilomètres. Drewin est la réunion de cinq très gros villages, dont voici l'ordre : De l'Est à l'Ouest Voltego, petit village; Bouloko, village de moyenne importance; Bassa, très gros village d'une grande importance, très étendu, dont la maison William Krak fait ce qu'elle veut; elle accapare du reste tous les produits de ces trois premiers villages; Dateko où est la maison de la compagnie King, cette maison qui a un comptoir à Ketcou où nous sommes passés, a toujours un grand navire à voiles en rade. Ce dernier est toujours entouré de pirogues qui viennent lui apporter des tonneaux. Enfin Gonoday, village du roi Akla et de Godo, ce village éloigné d'environ 1 kilomètre des autres, très important, tout en faisant un grand commerce pour la maison King dont le représentant est un traitant noir très intelligent appelé Hatton, garde toute son indépendance et a, à lui seul plus de fusils et de guerriers que tous les autres réunis.

Lundi, 20 Avril1891

Nous visitons tous les villages de Drewin et nous faisons des cadeaux à tous les chefs ; nous comptons faire signer le traité demain. Cela ira tout seul, les maisons anglaises n'offrant plus de résistance même en dessous. J'envoie mon Sergent (De Segonzac étant malade) avec trois pirogues chercher nos colis restés à Fresco. Il doit revenir le 21 au soir.

Mardi, 21 Avril 1891

Sept heures du matin, nous apercevons le Brandon qui vient et mouille sur rade. Nous allons à bord et nous trouvons M. Ballay Gouverneur du Sud. Nous lui demandons de nous conduire à Sassandré, afin de ne pas laisser ce village sans traité. Il y consent, nous faisons donc signer les traités.
À Drewin, Mr Ballay offre une tente au roi, ce qui appui beaucoup le traité, en somme très important (celui de Mr Bideau étant nul, vu qu'il été signé par Zagui et son boy et non par le roi, comme Bideau le disait). Nous repartons le soir sur le Brandon, nous couchons ce soir à Sassandré et le lendemain matin nous, 22 Avril, nous faisons signer le traité au roi qui, à la vue d'un navire de guerre, devient brusquement le meilleur ami de la France. Mr Ballay lui offre une rente de 600 Frs par an.
Néanmoins nous revendiquons ces deux traités comme ayant été fait par nous.
Je suis bien ennuyé de ne pas avoir vu nos pirogues ; je crains qu'elles n'aient chaviré à la barre, et je vais être obligé de repartir en pirogues à Fresco. C'est un rude voyage.
En somme, lorsque j'aurai nos sacs tout ira pour le mieux... Nous nous dirigeons sur Rio Cavally après avoir envoyé un exprès à Béréby au roi Mané, qui n'est pas très bien disposé pour nous. J'enverrai quand je le pourrais le croquis de la côte jusqu'à San Pedro. Ma carte est au 250,000ème, c'est à dire au quadruple de la carte Binger. J'ai choisi cette échelle afin de pouvoir prolonger celles de ce dernier. Du reste la carte marine de la côte est très exacte ; il suffira de placer les noms des villages qui sont sur mon journal de route.
Dis à L...(?) que je sais qu'il y a une lettre pour moi à Lahou de M. Trélat, mais que malheureusement je ne pourrai pas l'avoir. J'enverrai aussi quelques photographies. Au revoir et merci. Quand tout sera copié, va voir M. Deloncle chez Mr Etienne ; mais je t'en prie hâte-toi.

Mercredi, 22 Avril 1891

À midi le " Brandon" nous débarque, après une séparation des plus cordiales. Nous arrivons à terre, nos bagages que nous attendons à Fresco ne sont pas encore arrivés ; aussi notre anxiété est-elle grande.

Jeudi, 23 Avril 1891

De Segonzac part en Pirogues à leur recherche, il les rencontre heureusement à 2 milles de Drewin ; mais ils ont beaucoup souffert. Une des pirogues a chaviré; de plus comme elles n'ont pu tout prendre, nous sommes obligé de renvoyer Zagu, le fils de Zagui, chercher deux caisses et un sac qui sont restés à Fresco. Nous passons la suite de la journée à faire sécher notre pacotille.

Vendredi, 24 Avril 1891

Ce matin, un capitaine Anglais de Céléria m'écrivit pour me demander si la France a pris possession de Drewin; je me contente de lui faire répondre par le boy, porteur de la lettre, que j'ai mal à la main et que je ne puis lui répondre par écrit.
C'est malheureusement vrai ; j'ai un abcès à la main depuis huit jours, qui me fait horriblement souffrir, vu le cordon de lymphangite qui va jusqu'au coude. Je passe la journée à me reposer et à faire un peu de photographie, puisque je ne peux pas écrire.
À minuit, Zaguo, fils de Zagui revient ramenant nos bagages, dont le sac a passablement souffert. Tout est prêt pour notre départ le lendemain matin.

DREWIN

Ville des plus riches, approvisionnant en poudre et en armes tout un groupe de petits villages disséminés dans la brousse et qui lui envoient des noyaux de palme pour faire de l'huile.
Au Nord-Ouest il y existe dans un marigot d'énormes cultures de riz.
Les femmes récoltent aussi du caoutchouc, et en encourageant ce commerce, ce que ne font pas les maisons anglaises, on arriverait à lui donner une véritable importance. On n'y trouve que du caoutchouc blanc.
Les navires se succèdent sur rade de quatre en quatre jours ; c'est curieux de voir cet énorme mouvement de pirogues apportant chacune une barrique d'huile, elles font queue pour ainsi dire le long du bâtiment.
Les hommes très habiles baleiniers, ne sont pas très travailleurs par eux-mêmes, mais ils font tellement travailler leurs femmes que cela rachète amplement.
Le 24 au soir le roi Akla est venu me trouver pour me dire au revoir ; il m'a pris à part avec de Segonzac, et nous a dit qu'il voulait absolument avoir un petit et qu'il nous amènerait sa femme ce soir. Il a terminé en nous vantant les qualités physiques de cette dernière, qui n'a rien du reste de remarquable ; et comme nous refusions poliment, il nous a quitté un peu froidement. Pourtant notre politesse ne peut aller jusque-là.
Nous avons toujours près de notre tente le fidèle Zagui, qui vraiment est merveilleux d'attachement.
Je termine en disant qu'il est très malheureux que ce riche pays soit aux Anglais, qui le vident à fond.

Samedi, 25 Avril 1891

Le 25, départ à six heures du matin. Le roi Yakabi, de Little Drewin, nous a envoyé sur la demande de Zagui et d'Akla, quinze femmes pour porter nos bagages. Nous suivons la plage pendant 4300 mètres. Cette dernière n'a rien de bien remarquable ; c'est toujours la même falaise finissant en récif dans la mer et avec des rentrants dans lesquels sont de petites lagunes.
À 4300 mètres nous arrivons au village insignifiant d'Alf Drewin, composé d'à peine trente gourbis.
À 2 kilomètres plus loin, nous arrivons au village de Little Drewin, qui est un énorme village à 200 mètres duquel est un autre village d'une certaine importance aussi.
Nous sommes bien reçus par le roi Yakabi, qui est aveugle ; nous lui faisons néanmoins un cadeau, et son frère Friman signe pour lui un traité avec nous.
Comme il est de trop bonne heure, je me décide à pousser de l'avant ; nous refaisons 5 kilomètres, la chaleur est extrême : il n'est que dix heures, et le thermomètre marque 32°.
Nous passons une ligne de récifs très dure pour nos ânes ; de plus les femmes de Yakabi que nous avons payées ne veulent plus aller plus loin et j'ai un mal du diable d'obtenir des porteurs ; je suis obligé de me fâcher. Heureusement Zagui est avec nous, et ce brave homme qui peut à peine se traîner, arrange tout.
A onze heures et demie, nous nous arrêtons aux deux villages de Ayotowa, dont le roi Nyako, qui dépend de Yakabi, nous reçois très bien ; mais c'est un village très pauvre et nous ne trouvons pour nos hommes et pour nous que quatre poules.
Nous entrons je crois dans la saison des pluies, car nous avons eu deux averses terribles ce matin.

Dimanche, 26 Avril 1891

Le 26, nous partons à 6 heures avec nos porteurs, nous passons pendant 1 kilomètres des rochers inaccessibles, nos pauvres ânes sont en sang, il faut renoncer à faire avec eux cette partie de la côte.
La falaise borde la mer de très près ; nous arrivons enfin à une petite rivière à l'ouest de laquelle est un village ; la rivière s'appelle «rivière di Dawine» : elle est navigable en pirogue pendant trois jours, c'est à dire environ 50 kilomètres, elle remonte un peu vers le nord-est.
Le village est celui de Rocktown, son importance est de trente-quatre maisons ; il y a de très grandes pirogues qui dénotent un certain commerce d'huile, qu'un navire anglais y vient chercher tous les quinze jours.
Nous en repartirons le soir, car nous sommes un peu pressés d'arriver à San-Pedro, le pays que nous traversons offrant une uniformité de moeurs et d'aspect peu intéressante.
Le roi est un homme d'environ trente-cinq ans, il parle un peu l'anglais et est d'une rapacité très grande ; il a demandé avec instance à ce que nous payons l'eau ; il faut du reste deux heures de pirogue pour aller la chercher dans la rivière, car elle est salée jusqu'au dixième kilomètre.
Le roi nous signe à midi un traité, nous repartons à trois heures. Nous avons toutes les peine du monde à nous procurer des porteurs et nous devons embarquer nos ânes en pirogues, le passage par terre est impossible. J'ai voulu pendant la sieste m'assurer qu'il n'existait aucun chemin dans la brousse ; j'ai remonté un peu la rivière ; cette forêt est impénétrable et les quelques endroits où elle paraît s'éclaircir sont des marigots.
Après avoir fait « cokil » dans les rochers nous arrivons à un petit passage dans le brousse au premier village de Victory, appelé Tapia, dont le roi est Guyoubey. Ce village comprend environ quinze cases ; mais il existe un autre petit village qui en dépend.
À 1 kilomètre Ouest de Tapia, nous passons une rivière appelée Kougou, j'irai la reconnaître demain matin.
À 600 mètres de cette rivière, on trouve le gros village de Woumery, dont le roi est James ou Djemma.
Je pars de très bonne heure visiter la rivière qui traverse une grande lagune, et devient tellement étroite qu'on passe sous les branches tout le temps ; elle ne peut avoir d'après nos renseignements plus de 7 kilomètres ; mais elle a à son embouchure une largeur de 20 mètres, où la barre n'existe pas, ce qui la rend très importante, puisque l'on peut toujours y atterrir ; elle est exactement située de l'autre côté des rochers qui sont à l'Est de Woumerey.
À mon retour je trouve le roi qui m'attend, il nous engage à aller voir le roi de Grand-Victory, duquel il dépend. Aussi nous irons le soir. Nous passons avec lui un traité que signe aussi :
1° Jerry, gros traitant dont la spécialité est de recruter des Croumans pour le déchargement des navires ; il a plusieurs certificats français des Capitaines de la Compagnie Freyssinet ;
2° Bécame, interprète du roi ;
3° Konagieri, frère du roi ;
4° Nieba, grand chef.
La population de ce village est, somme toute la plus riche et la plus civilisée que nous ayons rencontrée jusqu'ici ; on y parle parfaitement l'Anglais, mais ils ne sont pas du tout attachés aux Anglais dans le fond.
Ils demandent l'installation d'une factorerie.

Mardi, 28 Avril 1891

Ce matin nous voulons partir; mais comme il faut absolument tout faire transporter en pirogue à cause des rochers qui bordent la plage et que le vent c'est levé, la mer est beaucoup trop dure pour songer au départ; nous allons donc tout simplement à l'extrémité ouest de la baie, au village de Desak, situé à 5 kilomètres; nous passons par les villages de Botriou, insignifiant; de Doussolé, très gros village, et nous arrivons enfin à Desak.
Là, un énorme palabre au moment du traité, beaucoup de chefs sont des traitants Anglais. Quant au roi Traga, c'est un vieillard qui commande à tous les villages de Victory et qui a une très grande influence. J'ai fini par les décider en leur disant que la France prendrait leurs intérêts, et qu'elle les défendrait si on les attaquait ou si on leur prenait des captifs. Ceci les a touchés et au bout d'une bonne heure de vociférations terribles, ils ont avec enthousiasme signé un traité.
Comme je m'en allais, les deux chefs de Boutrion et de Doussol sont venus me trouver, et, quoiqu'ils aient déjà mis leur griffe sur le traité de Desak, ils ont insisté pour en avoir un, eux aussi. Impossible de leur faire comprendre qu'un suffisait. Bref, j'ai fini par m'exécuter et par leur en donner un. Ils m'ont ensuite pris un pavillon pour chacun de leurs villages ; comme j'en ai fort peu, cela me gênais assez ; j'ai été dédommagé en les voyant flotter le soir au moment où un transport Anglais qui venait chercher des Croumans a mouillé sur rade.
Ce peuple de Victory est très riche : il peut fournir de 20 à 25 très bons Croumans (pagayeurs de barre) indispensables sur la côte, par village.
J'écris à M. le résident de Grand-Bassam en le lui indiquant, car je sais qu'il en cherche.

Mercredi, 29 Avril 1891

Le 29 Avril, à 5 heures du matin, j'embarque tout mon matériel en pirogues (14 dont la plupart sont très petites); quand toute ma flottille est partie, je pars, moi, par la plage avec mes hommes.
La plage qui devient impraticable, est du reste inhabitée.
Au bout de 12 kilomètres, nous trouvons le petit village de Srogonémé, composé de 2 cases ; derrière s'étend une grande lagune, mais sans autre village.
À quelques kilomètres de là, dans une grande crypte qui précède la pointe Est du San Pedro, se trouve le gros village de Drewin, il dépend du village suivant, je ne peux pas m'y arrêter, ne voulant pas arriver trop tard après nos pirogues.
Enfin à 3 heures de là, le village Sitoin, où je reviendrais passer un traité, le village étant indépendant, et le dernier sûr avant le San-Pedro. À midi et demi nous arrivons enfin au San-Pedro après avoir fait 24 kilomètres ; tous nos bagages sont là, seul un âne manque à l'appel. Sur la rive gauche est installée, depuis sept semaines, une factorerie, succursale de la maison William Krakh, de Drewin... Une toute petite lagune précède la rivière, dont l'embouchure n'a pas plus de 50 mètres, mais la barre y est nulle et l'eau très profonde. Nous arrivons enfin à l'autre côté (rive droite) et nous campons à l'embouchure de la rivière.
À 800 mètres les deux petits villages de San-Pedro. Je vais voir le roi qui s'appelle Kougoua, il a mis pour mon arrivée un superbe pavillon Anglais ; mais dans quelques jours il le changera, j'en suis sûr.
J'ai trouvé un homme qui pourra me servir de guide sur la côte jusqu'à Berebys. Cet homme parle quelques mots de français et très bien l'anglais.
Le m'a dit ne dépendre que de lui-même, et non pas, comme Mr Ballay me l'avait dit, du roi de Tahou.
De Segonzac va mal, il a la dysenterie, il est très abattu et parle de se rembarquer ; je ne sais que lui donner, je n'ai rien chose que du lait concentré et de la racine d'ipéca.
Le pauvre garçon est complètement démoralisé, je doute que son estomac lui permette de continuer. En tout cas je viens de voir l'anglais qui est bien installé, j'irai sans lui au Cavally et je le laisserai là pour qu'il se repose bien., d'autant plus que je crois que je serai obligé de remonter par le San-Pedro, que l'on me dit avoir une très grande importance, tandis que le Cavally, outre que les gens de l'Iberia ne veulent sous aucun prétexte que j'y passe, est continuellement coupé par des rochers; tout cela ne sont que des renseignements pris de loin en loin. Mais dans tous les cas aucun de ses deux fleuves, m'assure-t-on, ne dépasse l'immense forêt qui borde la mer au Nord.
Le San-Pedro, dit-on, est peu large, très profond, navigable sur tout son parcours et pendant 5 jours. En somme nous avons joliment marché, puisque nous avons fait, sans laisser de retard, 180 kilomètres de Grand-Lahou ici en vingt-quatre jours.

Jeudi, 30 Avril 1891

De Segonzac a passé une nuit déplorable ; il fait maintenant du sang. Je suis bien perplexe à son sujet. Je passe ma journée dans la forêt à faire couper du bois pour faire construire un radeau, car il nous sera impossible de trouver assez de pirogue pour remonter.

Vendredi 1 Mai 1891- De Pedro à Cavally

Le 1er mai, au matin, des hommes du village de Pedro, que j'interroge, me disent que M. Williamson, de la Compagnie, qui tient un comptoir à Drewin et qui est le chef de ceux que la Compagnie a sur la côte établis à Drewin, Pedro, Bocktown, Basha, Trepow, et Cavally, est furieux de voir que nous passons des traités avec toute la côte, qu'il a envoyé deux agents pour nous précéder et nous nuire dans notre mission: le premier partant par mer pour Bocktown; le second, devant marcher avant nous.
Ce n'était donc, par conséquent, qu'une question de vitesse pour moi. Segonzac étant trop malade pour penser à une marche forcée. Ainsi, je le laisse à Pedro avec deux hommes, et je pars sans bagages, n'ayant qu'un panier de cadeaux et un sac de campement pour nos hommes.

Samedi, 2 Mai 1891

Pendant que le traitant de Williamson couchait sur la rive gauche, dans la factorerie de cette maison, je partais avec mes quinze hommes à deux heures du matin, sans que personne ne se doute de notre départ.
Je suis toujours la côte. Après avoir dépassé les deux villages de Pedro, j'arrive à la hauteur des récifs qui sont à 1 mille ouest de l'embouchure de la rivière ; on les appelle Wâta.
À 200 mètres plus loin, la plage s'élargit et la falaise cesse ; elle est remplacée par un marigot d'abord, puis par une lagune.
À 4 kilomètres le village de Moon, sans importance ; chef Akassy, qui réveillé, me donne des renseignements sur la lagune de Nédé, qui est à l'ouest de son village : elle est des plus grande et elle s'étend environ à 30 kilomètres au nord. À 20 kilomètres au Nord-Est, est le gros village de Momarnéra, qui fait tout le commerce de la lagune avec la brousse, et tout à fait au fond celui de Koynian.
À 7 kilomètres, toujours sur cette lagune, est le village de Nébé, chef Amina, et à 1 kilomètre plus loin celui de Dniena. La côte s'abaisse de plus en plus jusqu'à la pointe de Grand-Lahou, sur laquelle est un petit mamelon boisé au bout duquel un gros rocher barre la plage.
Aussi passons-nous par un petit sentier qui traverse un marigot très fertile ; c'est du reste le potager du Grand-Tahou : le riz y pousse à profusion.
Je suis admirablement reçu à ce village, où M. Ballay est passé il y a huit jours et où il a laissé des cadeaux.
Le roi n'est pas là, il est dans la brousse ; aussi je ne m'y arrête pas et je continue ma route.
À 800 mètres je rencontre les grands villages de Diouleron, dépendant de Tahou. Ces villages sont situés entre une rangée de cocotiers et la petite lagune de Djoulo.
A 2 kilomètres commence la grande lagune de Nikilimo : cette lagune se prolonge au-delà de Grand-Tahou, elle ressemble trait pour trait à celle de Jacqueville à Grand-Bassam.
Je fais encore 2 kilomètres et j'arrive au premier village de Grand-Tahou appelé Point.
À 600 mètres plus loin est Gistonou où je m'arrête après avoir fait 29 kilomètres. J'y palabre avec le roi, qui est un vieillard gâteux et sans autorité ; tous ses sujets parlent à la fois, impossible de se faire entendre ; le roi s'appelle Noma ; j'y signerai un traité en revenant, car il veut, me dit-il, consulter le chef du Petit-Tahou (comme je suis sûr de ce dernier, je passe).
Je fais manger mes hommes, et je repars à deux heures à 1 kilomètre plus loin. J'arrive à la factorerie de M. Julio, mais je ne m'y arrête pas. Cette factorerie est tenue par un noir.
À 2 kilomètres 500, je rencontre le village de Kaï dépendant de Tahou ; à 3 kilomètres 500 la lagune vient border la plage sur une longueur de 250 mètres, à 50 mètres de la mer.
À 5 kilomètres le village de Dougoulé, roi Dginé (dépend de Tahou).
À 6 kilomètres, village de Ceglé, roi Menenaï, dépend de Grand-Berebys ; j'y trouve du reste le roi de Grand-Berebys, Tody, qui est le plus joli type d'ivrogne que l'on puisse rêver. Là, commence la série des villages fortifiés.
Je vais avec le roi Tody à son village de Grand-Berebys.
J'ai fait 9 kilomètres, il est quatre heures dix, en tout 38 kilomètres depuis le matin.
Je vais avec le fils du roi à la rivière, qui est à 600 mètres, je prends une pirogue et je commence à la remonter.
Cette rivière s'appelle la rivière de Grand-Berebys ou Néron ; elle est précédée d'une toute petite lagune dont le fond est d'environ 2 mètres et 1m.50 à l'embouchure. Cette dernière très étroite est masquée de la mer par des rochers. Je l'ai vu à marée basse, le courant en cette saison y est très rapide, et l'eau y est douce jusqu'à l'embouchure.
La rivière prend d'abord une direction Est, puis fait coude brusque et tourne au Nord ; elle devient alors très étroite, et continuellement barrée par des arbres renversés : pour moi ce n'est que le déversoir des marigots de l'intérieur. Les gens du pays disent tout de même qu'elle remonte à une journée de pirogue, 30 kilomètres.

Dimanche, 3 Mai 1891

Je passe la rivière à cinq heures du matin. Je me dirige vers le village de Bokin, situé tout à fait à la pointe de Grand-Berebys et sur une hauteur. Je passe dans le bas, le chef vient me voir.
1 kilomètre plus loin j'arrive aux deux villages de Bossa et Bablou. Là, impossible de trouver un porteur pour Bocktown, vu l'état de guerre, et le roi Manajo, qui est un très brave homme, fait tout son possible pour me faire passer par mer pour me conduire à Alf-Berebys, chez Many ; il me dit que sûrement on nous tuera là-bas et que les gens de la brousse (Païns) nous mangeront.
Bref, au bout d'une heure, je frète une petite pirogue pour mes bagages qui arriveront la nuit à Alf-Berebys, et je puis partir ayant avec moi en tout quelques cadeaux et mon argent.
Je passe un petit col formé par la falaise qui est à la pointe Ouest de Grand-Berebys et un petit mamelon qui est derrière, et je tombe sur la plage, qui est toujours bonne, et bordée à 500 mètres par un marigot et une petite lagune.
Tout ce pays est désert ; je passe sur l'emplacement de deux village brûlés ; enfin à 12 kilomètres, j'arrive en vue du gros village de Bocktown et à la factorerie de M. Williamson tenue par un noir.
400 guerriers se portent à ma rencontre en gesticulent et prêts à faire feu. Mes hommes sont sur une seule ligne, prêts eux aussi ; j'avance le premier et je les traverse sans qu'un seul m'ait adressé la parole ; beaucoup d'entre eux parlent cependant le français
Enfin, à la factorerie je demande à voir le roi ; on me mène dans un grand village très fortifié situé sur un petit mamelon à 800 mètres de la plage, dans la brousse. J'y entre avec deux de mes hommes, laissant dans le poste tout mon monde. Je m'assieds ; mais le roi me fait dire qu'il ne veut pas me recevoir, que je revienne avec M. Williamson. J'ai beau insister, rien ne sert, je ne puis même pas avoir un verre d'eau.
Aussi je pars sur Alf-Berebys ayant devant moi un petit passage de brousse que tous les guerriers ont l'ai de surveiller ; j'y envoie aussitôt deux tirailleurs qui dénichent une trentaine de guerriers embusqués là certainement à mon intention ; je me retourne alors et je leur montre que j'ai d'excellents fusils et qu'ils fassent attention ; ils paraissent me défier, et j'avoue que la colère me gagne un peu.
Mais ce serait de la folie, je n'ai pas un homme contre vingt, et tous ces animaux-là sont armés de fusils à percussion centrale. Je passe la brousse, des tirailleurs sur ma droite et le sergent avec deux laptots derrière moi.
Je rencontre sur ma route deux autres petits villages pavoisés de pavillon anglais, tout neuf certainement, apportés par le traitant de Williamson la veille.
Enfin un homme sorti de la brousse me rejoint, il parle français et me demande de l'argent ; je lui demande en échange de renseignements.
Le village qu'habite le roi s'appelle Donali et le roi Guyé. Le pays m'a-t-il dit, est vendu à M. Williamson qui doit l'armer et le défendre.
À 3 kilomètres j'arrive au dernier village Oulabo, il est presque à la pointe, mais dissimulé dans la brousse. Un homme que j'interroge me dit qu'à Donali, M. Williamson a quatre caisses de fusils à cartouches que l'on a distribués en mon honneur ; ces fusils sont toujours là en cas d'attaque des gens de Berebys.
À 7 kilomètres depuis la factorerie cesse le territoire de Bocktown, et commence celui d'Alf-Berebys, qui est situé à 6 kilomètres 500 de là. J'y arrive à une heure ; les gamins se portent au-devant de moi, comme à Bocktown, mais remplis de bonnes intentions.
Le traitant de Krako, qui parle français, installe mes hommes et moi dans une grande case, et me conduit à Many, auquel je donne une grande boite à musique, ce qui lui fait beaucoup de plaisirs. Il me montre le traité qu'il a signé avec M. Ballay, il y a huit jours, il m'offre même de son tafia : enfin ce sont des amis.
Nos bagages n'arrivent pas, et je suis toujours sans rien pour me changer, il pleut à verse, c'est notre première journée de grande pluie.
Je n'ai pas à juger Many, que M. Ballay a dû apprécier ; mais je ne saurais trop recommander le traitant Krako, vraiment très dévoué à la France et, chose rare, très désintéressé jusqu'à présent.
J'ai fait depuis ce matin 25 kilomètres 500.

Lundi, 4 Mai 1891

Départ à cinq heures. À 3 kilomètres 500, rivière Dido, sans grande importance ; elle a un cours d'environ 20 kilomètres et n'est autre chose que le déversoir des marigots de la brousse ; elle n'en est pas loin, en cette saison, très rapide ; elle doit, comme celle de Grand-Berebys, être invisible de la mer. Elle se trouve à l'Est et contre la pointe Ouest du gros village de Alf-Berebys, à l'endroit où un bouquet de cocotiers se détache de la brousse ; elle a beaucoup d'eau à son embouchure, qui est d'environ 25 mètres, et un bateau de 3m.50 peut s'y engager sans crainte.
À 2 kilomètres après avoir passé la rivière la plage est de nouveau bordée par une lagune qui va jusqu'à Wappon, où j'arrive après avoir fait 18 kilomètres 500.
Wappon est composé de trois gros villages ; j'y suis assez bien reçu, grâce à l'avance que j'ai sur l'envoyé de Williamson ; j'y fais un bon traité, aidé de beaucoup de Croumans qui parlent français, ayant été au Gabon.
À Wappon, existe une factorerie Williamson. Ce pays est en guerre avec Many et allié Bocktown : le territoire est principalement dans la brousse, où il exploite les Païns, le roi s'appelle Boda.
6 kilomètres plus loin j'arrive à Baska, où je dois attendre mes bagages ; ce village étant en relations de commerce avec Krako de Berebys, ce dernier m'a promis de me les y faire parvenir.
Le roi Yie est un très brave homme, je l'enthousiasme sur la France, et je lui fais signer aussi un traité après mettre assuré que rien ne l'engage vis-à-vis de personne.
Un orage terrible éclate cette nuit, le village, situé à 500 mètres de la mer dans un bas-fond, est à moitié inondé.

Mardi, 5 Mai 1891

Toujours pas de bagages, je pars pour Tahou en disant qu'on me les y envoie ; heureusement j'ai de l'argent anglais qui a cours qui a cours sur toute cette côte. Départ à cinq heures ; je longe une grande lagune qui va jusqu'à la pointe du petit Baska, séparant celui-ci du grand Baska ; ces villages sont de très gros villages qui font tout leur commerce avec M. Julio.
À 8 kilomètres j'arrive aux petits villages de little Tabou. Sans importance.
À 8,200 mètres je trouve les deux gros villages de Tabou. Factorerie anglaise de M. Julio, tenue par un noir ; le plus gros village s'appelle Sécré ; les villages ont tous des chefs qui ne sont autres que des traitants de Julio.
Le roi, qui était le plus respectable de toute la contrée, est mort depuis deux ans, grâce aux (ici un mot anglais qui doit vouloir dire à l'influence) de M. Julio.
Après avoir palabré sans espoir de succès pendant une heure, je repars.
Une longue pointe s'avance dans la mer, suivant une direction Sud-Sud-Est ; je la franchis et j'aperçois de l'autre côté, à 4 kilomètres, un gros village bâti avec des cases peintes à la chaux, et plus à l'Ouest sur une hauteur, la factorerie de M. Julio, superbe habitation (pour le pays).
Enfin après avoir fait 17 kilomètres j'arrive au village de Tabou, où sont tous les traitants de M. Julio, avec leurs familles.
Lui habite la rive droite où sont de grands hangars. Il vient très aimablement à ma rencontre, je lui dis que je viens pour faire la carte du pays ; il me fait passer la rivière Tabou dans son canot ainsi qu'à tous mes hommes, qu'il installe sous un de ses hangars, car il pleut toujours. M. Julio est dans le pays depuis quatorze ans ; il le tenait complètement de Pedro jusqu'à Cavally avant l'arrivée de Williamson avec lequel il est à couteaux tirés.
M. Julio est un homme très bien, qui, quoiqu' Anglais, n'a pas en somme grand amour patriotique ; il me donnera, au retour, toutes les indications que je voudrai. A six heures du soir, mes bagages arrivent seulement ; tout est trempé et mes papiers sont abîmés.

Mercredi, 6 Mai 1891

Départ à cinq heures. La rivière Tabou est parallèle à la côte et la suit à 500 mètres pendant 1 kilomètre 400. À cette distance, où est le gros village de Booka, elle tourne brusquement au Nord, laissant à l'Est une immense plantation de riz appartenant à M. Julio, qui en fait le commerce sur la côte ; il en vend même aux noirs qui passent.

  • À 3 kilomètres 500 la lagune n'a aucune communication avec la rivière.
  • À 3 kilomètres 700 les pluies ont fait déborder les lagunes, qui se déversent dans la mer. Nous passons à la nage, je fais faire un petit radeau pour nos armes.
  • À 4 kilomètres le village Bera, qui dépend de Tabou ; à 7 kilomètres 400, celui de Winou-Kay ou Alf-Cavally, situé entre la lagune et la mer ; ce village a comme chef Naki, ancien boy M. Julio.
  • À 8 kilomètres 500, village de Tibo, grande dépendance de la brousse de M. Julio ; il y a une vieille maison en planches.

Une rangée de palmiers borde la mer.

  • À 9 kilomètres, Bianka-Town.
  • À 11 kilomètres, nous franchissons un autre petit torrent, la marée est basse, et il est très rapide.
  • À 12 kilomètres, Comwayssable et Nsakolo, gros villages ; traitant noir Julio.

La lagune s'élargie un peu, et de l'autre côté, on me signale le village de Tablé, dont le roi, ami de Julio, chez lequel il vient dîner toutes les semaines, est le grand chef de la côte.
À la pointe est le village de Tuba-Nivaï, où Zioulakay, près duquel est un grand cimetière avec des centaines de tombes, en toits couvertes de faïences cassées.

  • À 15 kilomètres Bouglie, où est un traitant de M. Julio ; à 1 mille en mer, est le gros rocher de Bouka.
  • À 20 kilomètres la lagune s'élargit pendant 2 kilomètres, puis elle s'enfonce dans la brousse, pour aller ressortir près du village Blieron, qui est situé sur la rive gauche et à l'embouchure du Cavally. Là, j'arrête mes hommes, j'achète un mouton et, après avoir des cadeaux au roi, je palabre avec lui ; j'apprends qu'il dépend du gros village de Hylé ou Tablabou, situé à quatre de pirogue sur le Cavally ; je lui fais néanmoins signer un traité ; il s'appelle Blabelay.

Un gros village existe de l'autre côté de la rivière, je vais voir ce qu'il est : c'est le village de Cavally-Rivière, où je suis admirablement reçu par le roi Toulot, ancien marin français, qui me fait toutes sortes d'amitiés. J'en profite pour lui proposer un traité, ce qu'il fait avec plaisir, car il est mal avec les Américains de Cap-Palmas, il dit qu'ils sont les maîtres du pays et l'on même acheté ; mais en causant avec lui, j'apprends qu'i dépend du roi Dioulé, qui commande à Cap-Palmas et qui est Américain. Comme en somme je n'ai d'ordres que pour jusqu'à Cavaly exclusivement, je lui retire son traité, en lui disant que je veux le montrer à un de mes chefs, et je l'enverrai à M. Ballay qui le lui rendra s'il le juge nécessaire. Je n'ai pas le temps de visiter Cavally ; du reste, je compte le remonter maintenant car je l'ai vu, car i a une toute autre importance que le San-Pedro.
Je repars donc le soir et j'arrive le lendemain matin, 7 mai, à Tabou.

Jeudi, 7 Mai 1891

De Tabou à Baska, je confirme mon traité et je laisse un pavillon ; je rencontre le traitant de Williamson, qui, se sentant joué, est furieux. Après m'avoir dit des sottises, il finit par s'offrir à moi pour me servir ; j'en profite pour lui tirer tout ce que je puis, ce qui confirme mes renseignements, et je le mets à la porte.

Vendredi, 8 Mai 1891

Woppow : traité, nouveaux renseignements, et le soir arrivé à Alf-Berebys.
Avant d'arriver à Berebys, comme aucune pirogue ne nous attendait à l'embouchure de la rivière, nous passons à la nage ; je me jette à l'eau avec mon caoutchouc ; mais je suis très fatigué, le courant est très violent, mon caoutchouc me gêne beaucoup, mes jambes se raidissent, le courant m'emporte à la mer et je perds connaissance. Je me retrouve de l'autre côté ; le Laptot Hamadniaï s'était jeté à la mer et m'avait sauvé ; je l'ai échappé belle.

Samedi, 9 Mai 1891

On m'offre de me vendre une grande pirogue à Alf-Berebys ; j'accepte aussitôt, car cela nous sera indispensable pour remonter la rivière ; je m'embarque dedans, et j'arrive à Grand-Berebys, à Huit heures du soir.

Dimanche, 10 Mai 1891

J'envoie ma pirogue à San-Pedro, et je pars à pied avec la moitié de mon monde. Je signe un Traité à Thaou avec Tagny et j'arrive le soir à quatre heures à Pedro. De Segonzac va à merveille et ma mission a réussi.

NOTE SUR LA CÔTE DE FRESCO A CAVALLY

Au point de vue géographique cette côte ne diffère pas de celle de Grand-Bassam ; c'est toujours la même chose. A 1 kilomètre de la mer lagunes et marigots, et rien de plus ; pourtant on y cultive du riz, et si on développait (ce que fait M. Jailler) ces idées chez les Croumans, on arriverait très vite à en avoir à profusion, principalement sur le bord de la rivière.
Au point de vue du commerce, c'est occupé depuis plus longtemps que Drewin ; mais comme huile, Drewin est de beaucoup l'endroit qui en produit le plus ; c'est la seul production du pays; il y a bien un peu de caoutchouc; mais il n'est pas très bon, à ce que disent les commerçants.
À Cavaly, à Tabou, il y a un peu d'ivoire, mais les défenses sont petites, l'huile seule donne donc vraiment, et cela partout. Les Croumans vivent tous dans une grande aisance, je n'ai pas besoin de vanter leur qualités de canotiers/ elles sont connues partout, et deviennent indispensables à tout bateau qui veut avoir des communications avec la terre. Leur force est extraordinaire, ils sont tous bien bâtis, et généralement adroit ; ils sont riches parce que leurs femmes travaillent à la fabrication de l'huile pendant qu'eux ou leurs fils embarquent pendant un ou deux mois, et reviennent avec une bonne somme. Aussi, trouve-t-on chez eux un certain luxe ; ils mangent dans de la faïence et boivent dans des verres.
Les habitations qui, depuis Grand-Bassam jusqu'à Pedro, sont sordides, sales, construites en branches de palmiers avec de grands jours, et sont en général rectangulaires, changent brusquement à la rivière Pedro.
Là, toutes les habitations sont rondes, en forme de meules ; le haut est un grenier, le toit est très épais et très bien fait, en feuilles de palmier ; les murs sont en torchis, très soigneusement fait aussi, ou même presque partout en planches.
Les villages sont d'une propreté remarquable ; au centre, ou devant la maison du chef est un grand hangar qui sert aux palabres. Malheureusement, l'autorité de ces chefs n'existe pas ; tous ces gens sont naturellement très doux.
Ils croient beaucoup aux fétiches, et tous les deux jours ils s'enduisent le matin d'une teinture quelconque qui, soi-disant les purifie.
Certaines femmes se frottent d'un blanc qui de loin fait qu'elles donnent l'illusion de femmes blanches.
Les hommes sont très propres ; du reste en dehors de la pêche et du courtage, ils ne font absolument rien. Les femmes, toujours dans la brousse à cueillir des graines et à les laver, sont en général sales.
Ce sont les bêtes de somme de la contrée. Beaucoup de ces gens deviennent fou, et ils ont pour la plupart des troubles surtout causés par l'abus des horribles alcools que leur vendent les Anglais.
Ceux-ci les exploitent dans des proportions inouïes. En revanche, ils les traitent en gentlemans, ce que nos traitants Français ne feront jamais.
Aussi, voit-on de ces traitants noirs qui ont les bonnes manières et la politesse rigide de gentleman anglais.
Les Crounams sont tous armés ; tout homme de vingt ans a un fusil ; partout où est à poste fixe la maison Williamson, ils ont des fusils à tabatière ou de très bon fusil à baguette.
Ils ne vendent en revanche aux habitants de la brousse que de vieux fusils à pierre : car si les blancs exploitent les noirs de la côte, ceux-ci le rendent largement aux noirs de l'intérieur, qui sont d'ailleurs peu nombreux.
Pourtant depuis Berebys jusqu'à Cavaly les Païns qui habitent la brousse ont de gros villages ; mais ils viennent traiter chez les Croumans et ne veulent pas que l'on aille chez eux ; ils sont du reste anthropophages.
Les maisons de commerces que l'on rencontre sur la côte sont :
1° la maison King, qui possède un comptoir à Kotrou, un autre à Drewin et un à Cavally ;
2° la maison Williamson : ce commerçant est des plus audacieux, il connaît très bien le pays, a de bon noirs qui viennent régulièrement. Le jour où nous voudrons occuper cette côte et y établir des douanes, il nous créera de grosses difficultés.
Les Croumans un tant soit surexcités deviennent très belliqueux, ils tirent tous relativement bien : armés de fusils à tir rapide, et nombreux comme ils sont, ce sera très difficile.
À Boktowu, qui est le point de la côte qui fait le plus d'affaires avec l'intérieur, ce sera plus dangereux ; là ils ont tous de bons chassepots et d'excellents fusils à tabatières ; il se produira la même chose qu'à mon passage : Williamson fera une distribution de fusils et de poudre.
M. Julio est dans le pays depuis près de quinze ans, connaît à merveille la partie qu'il occupe ; c'est l'ennemi de Williamson, qui le lui rend bien : il a des traités de commerce avec tout le pays depuis Pedro jusqu'à Cavally ; il est très aimé et très écouté ; mais c'est un homme très calme, très juste et très incapable, je crois, ne susciter le moindre ennui. Je me suis assez mal conduit avec lui ; il m'a donné beaucoup de renseignements : je m'en suis servi pour faire signer des traités à Baska, qui est le pays de sa femme (il est marié dans le pays et il a deux enfants dont l'un est élevé en Angleterre), et à Blikrown, où il m'avait recommandé au roi.
Quant à avoir des traités politiques, il n'en a aucun.
La rivière Tabou a la même importance que le San-Pedro ; mais dans la petite lagune qui la précède, se trouve un banc de sable qui en barre l'entrée

  • À 40 kilomètres elle est aussi barrée par de gros arbres ; cependant on dit qu'elle remonte très loin.

M. Julio m'a dit qu'il ne serait pas étonné que ce soit un déversoir du Cavaly.
Ce Cavaly est certainement un grand fleuve, il suffit de voir son débit d'eau pour s'en convaincre ; mais il est au bout de deux jours barré par des cascades, puis il redevient navigable ; mais c'est par là que nous allons chercher à percer.
La forêt qui borde la même a, au dire de tout le monde, plus de 250 kilomètres de large ; aussi quand on demande si on peut la traverser, on vous rit au nez, personne ne l'ayant jamais fait, et même les Païns que j'ai vus et que l'on a interrogés devant moi m'ont dit que c'était chose impossible ; nous espérons néanmoins réussir, grâce à la saison des pluies qui mettra de l'eau partout.
La grosse difficulté, c'est l'absence complète d'interprètes, et dame ! Nous ne trouvons personne qui se soucie de venir avec nous chez les anthropophages.

SUITE DE MES RENSEIGNEMENTS SUR LA CÔTE ENTRE CAVALLY ET SAN-PEDRO

Ce pays est des plus divisés grâce aux exigences de Many, qui veut être le roi de toute la contrée, n'y ayant aucun droit. Aussi quand il a dit à M. Ballay qu'il commandait partout, il a menti ; le roi de Tahou ne veut dépendre que de lui-même. Il est allié avec Many parce qu'il est l'ennemi de Rocktown, et que Rocktown est venu piller son village, mais il ne reçoit aucun ordre de Many.
En somme Tahou, Grand-Bérébys, Baska, Taboul sont alliés, ou plutôt ligués contre Bocktown, et Bocktown et Wappoo, grâce aux deux comptoirs de Williamson sont alliés ; mais Bocktown, par son armement très supérieur, est plus fort que tous les autres villages ; aussi continuellement passe-t-il par la brousse, et vient-il tirer sur eux, leur prendre leurs femmes, etc., etc.
Deniebé et Amna, ainsi que tous les pays qui s'étendent entre Tabou-Rivière et Cavaly sont neutres.
La barre sur cette côte est des plus dures. Aussi je signale quelques endroits où l'on peut atterrir sans crainte avec n'importe qu'elle embarcation, mais principalement par des vents d'Ouest ;- ce sont du reste, les seuls qui soufflent sur cette côte ;
1° La rivière Pedro, où, en rasant le rocher Ouest, on ne risque rien ;
2° Devant la pointe Ouest du Petit-Lahou, entre les récifs qui sont devant.
3° A la rivière du Grand-Bérébys ; mais il y a peu d'eau ; il vaut mieux aller atterrir à la pointe Ouest, qui est à mille de la rivière ;
4° A Alf-Bérébys, devant le gros village, la falaise a un petit rentrant à la pointe où on est absolument à l'abri;
5° Rivière Tabou.
Et c'est tout, de la rivière Tabou à Cavaly la barre est des plus mauvaises ; à Cavaly elle n'est bonne que pendant la pleine lune, moment où la mer est haute et s'apaise sur toute la côte.
Comme végétation, les Croumans ont des potagers où ils cultivent le riz, la patate, le manioc, la banane, laquelle est très rare dans le pays, le piment. Comme arbres il n'y a guère que des fromagers ; aux abords des rivières, des orangers sauvages et des citronniers qui donnent d'excellents petits citrons.
En somme, j'ai des traités avec Tabou, Bérébys, Trépoo, Baska, ou Basha et Cavaly rive gauche. Je n'ai pas osé laisser celui de Cavaly rive droite, je l'ai envoyé en double à M. Balay, ainsi que les autres.

4 Mai, 1891/58

Copie manuscrite de la Lettre Lt QUIQUEREZ adressée à son Beau-Père le Colonel FIX

4 Mai, 1891/59

Suite de la copie manuscrite de la Lettre Lt QUIQUEREZ adressée à son Beau-Père le Colonel FIX.

4 Mai,1891/60

Suite de la copie manuscrite de la Lettre Lt QUIQUEREZ adressée à son Beau-Père le Colonel FIX.

4 Mai,1891/61

Suite de la copie manuscrite de la Lettre Lt QUIQUEREZ adressée à son Beau-Père le Colonel FIX.

4 Mai,1891/62

Suite de la copie manuscrite de la Lettre Lt QUIQUEREZ adressée à son Beau-Père le Colonel FIX.

4 Mai,1981/63

Suite de la copie manuscrite de la Lettre Lt QUIQUEREZ adressée à son Beau-Père le Colonel FIX.

4 Mai,1891/64

Suite de la copie manuscrite de la Lettre Lt QUIQUEREZ adressée à son Beau-Père le Colonel FIX.

11 Mai, 1891/1

Lettre datée probablement du 11 Mai 1891 toujours adressée à son Beau-Père le Colonel FIX.

11 Mai 1891/2

Suite de la lettre datée probablement du 11 Mai 1891 toujours adressée à son Beau-Père le Colonel FIX.

11 Mai 1891/3

Suite de la lettre datée probablement du 11 Mai 1891 toujours adressée à son Beau-Père le Colonel FIX.

11 Mai, 1891/4 - FIN DU JOURNAL DE ROUTE

Suite et fin de la lettre datée probablement du 11 Mai 1891 toujours adressée à son Beau-Père le Colonel FIX.